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Reprenez une autre portion de ces mêmes cristaux, et examinez-les un à un. Vous trouverez qu’une moitié a la forme dont je présente ici le modèle, caractérisée par une hémiédrie non superposable, que l’autre moitié a la forme inverse identique à la première dans toutes ses parties respectives, et néanmoins ne pouvant lui être superposée. Sépare-t-on alors les deux sortes de cristaux pour les dissoudre isolément, on observe que l’une des deux solutions dévie la lumière polarisée à droite, l’autre à gauche, et toutes deux de la même quantité en valeur absolue.

Enfin si l’on extrait par les procédés chimiques ordinaires les acides de ces deux sortes de cristaux, on reconnaît que l’un d’eux est identique à l’acide tartrique ordinaire, et que l’autre lui est de tous points semblable, sans pouvoir lui être superposé. Ils offrent entre eux les relations des deux sels d’où on les a séparés. Ils se ressemblent comme la main droite ressemble à la main gauche, mieux encore, comme se ressemblent deux tétraèdres irréguliers symétriques ; et ces analogies et ces différences se retrouvent dans tous leurs dérivés. Ce que l’on fait avec l’un on peut le répéter avec l’autre dans les mêmes conditions, et les produits résultants manifestent constamment les mêmes propriétés, avec cette seule différence que chez les uns la déviation du plan de polarisation s’exerce à droite, chez les autres à gauche, et que les formes des espèces correspondantes, encore bien qu’identiques dans tous leurs détails, ne peuvent se superposer.

Tous ces faits si clairs, si démonstratifs, nous obligent à transporter les caractères généraux extérieurs de ces acides et de leurs combinaisons à leurs molécules chimiques individuelles. S’y refuser serait manquer aux règles de la logique la plus vulgaire. C’est ainsi que nous arrivons aux conséquences suivantes :