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cristaux hémièdres à droite, et les cristaux hémièdres à gauche, et j’observai séparément leurs dissolutions dans l’appareil de polarisation. Je vis alors, avec non moins de surprise que de bonheur, que les cristaux hémièdres à droite déviaient à droite, que les cristaux hémièdres à gauche déviaient à gauche, le plan de polarisation, et quand je prenais de chacune des deux sortes de cristaux un poids égal, la solution mixte était neutre pour la lumière par neutralisation des deux déviations individuelles égales et de sens opposés.

Ainsi je pars de l’acide paratartrique ; j’obtiens à la manière ordinaire le paratartrate double de soude et d’ammoniaque, et la dissolution laisse déposer, après quelques jours, des cristaux qui ont tous exactement les mêmes angles, le même aspect, à tel degré que M. Mitscherlich, le célèbre cristallographe, malgré l’étude la plus minutieuse et la plus sévère qui fut jamais, n’avait pu y reconnaître la moindre différence. Pourtant l’arrangement moléculaire dans les uns et dans les autres est entièrement différent. Le pouvoir rotatoire l’atteste ainsi que le mode de dissymétrie des cristaux. Les deux espèces de cristaux sont isomorphes et isomorphes avec le tartrate correspondant ; mais l’isomorphisme se présente là avec une particularité jusqu’ici sans exemple : c’est l’isomorphisme de deux cristaux dissymétriques qui se regardent dans un miroir. Cette comparaison rend le fait d’une manière très-juste. En effet, si dans l’une et l’autre espèce de cristaux je suppose prolongées les facettes hémiédriques jusqu’à leurs rencontres mutuelles, j’obtiens deux tétraèdres symétriques, inverses et que l’on ne peut superposer malgré l’identité parfaite de toutes leurs parties respectives. De là j’ai dû conclure que j’avais séparé par la cristallisation du paratartrate double de soude et d’ammo-