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L’ENTREE DV ROI

En vn anneau tout rond & d’Or bien eſprouué
Ie vous offre le Cœur de la ville Troïenne
Quelque fois le voïant, Sire, qu’il vous ſouuienne
Que ſon Cœur eſt tout rond & tel ſera trouué.
Mais Muſe que fais tu ? veus tu conter l’arene
Que le vent fait voler es chams blons de Cyrene ?
Les Troïens à leur Roi ont porté tout l’honneur
Que lon peut inuenter pour faire à ſon Seigneur.
Oncques ce Scipion, d’Afrique la tempeſte,
Pour le iuſte loïer de ſi grande conqueſte,
Du peuple Martien ne fut tant honoré,
Trainé de cheuaus blancs dedans vn char doré.
Bien qu’il euſt renuerſé & Numance & Carthage,
Et le tiltre acqueſté qu’il auoit d’heritage.
Par le peuple Troïen tout autre eſt ſurmonté
Si ce n’eſt de puiſſance, au moins de volonté,
D’autant que ſon grand Roi, que l’honneur enuironne,
Oultrepaſſe tous ceus leſquels portent couronne.
Vous filles de la Nuit qui la vie filés,
Si le cours de mes ans allonger me voulés,
Et ſi le cœur neufuain ſon eau ne me refuſe
Que iadis feit couler le cheual de Meduſe :
Troïe, i’ai bon eſpoir de te baſtir des murs
Leſquels ne tomberont par les ſiecles futurs :
En ſorte qu’on dira que la lyre Troïenne
Aura plus de pouuoir que l’Amphionnienne.
Qu’enſemble tous les Grecs les viennent aßieger,
En vain trauailleront pour les endommager.