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A TROIE.

Le berger aſſuré meine parmi la plaine
Tondre les prés herbus, ſon troupeau porte-laine.
Mais tout cela n’eſt rien, cela n’eſt rien, au pris
De l’extreme plaiſir dont nous ſommes épris.
Car quel plus grand plaiſir reçoit vne prouince
Que de voir quelquesfois la face de ſon Prince ?
Son port, ſon œil humain, ſes propos gracieus ?
Quel heur pourroit plus grand eſtre donné des Cieus ?
N’ont pas donc les Troïens iuſte cauſe de ioie ?
Voïant l’illuſtre ſang de l’autre ancienne Troïe,
Leur Prince Naturel ? de celui deſcendu
Qui durant dix hyuers ſa ville à deffendu
Encontre mille naufs, que le pluſgrand Atride,
Groſſes de ſoldats Grecs, auoit conduit d’Aulide.
O tems fort deſiré, iamais ne viendras tu,
Et ſon âge croiſſant, & croiſſant ſa vertu,
Que d’Hector ſon aïeul enſuiuant la vaillance,
Dans le ſang ennemi voïons tremper ſa lance,
Au plus espais d’un camp qui l’aura outragé ?
Tel que iadis Hector s’en retournoit chargé
Des deſpoüilles d’Achille, ou ſuiui de ſes troupes
Iettoit les feus Troïens dedans les Gréques poupes.
Croiẞés ce tems pendant, ieune Prince, croiẞés :
Viſitant vos païs vos peuples connoiẞés.
Apprenés à porter en vôtre main Roïalle
Le ſceptre gouuerneur d’une gent ſi loïalle.
Tenés en amitié tous vos ſuiets vnis :
Les bons ſoient honorés, les mauuais ſoient punis.

A iij