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L’ENTREE DV ROI

Que de cent mille fleurs la campaigne eſt couuerte ;
Que des hautes foreſts la cheuelure verte
Acheue de baſtir les maiſons des oiſeaus,
Et que mignardement gazoüillent les ruiſſeaux.
Ah combien on ſe plaint de la mere Nature
Qu’une telle ſaiſon plus longuement ne dure ?
Ainſi premierement quand au peuple Troïen
(Eſtant Mars enchainé par vn ſage moïen :)
Le Bruit, vrai Meſſager, apporta l’eſperance
Qu’ici viendroit bien toſt la Maiefté de France :
Le mal & le ſouci qui l’auoit tourmenté
Reſta, ſinon du tout à demi enchanté.
Il commença deſlors à eſſüier ſes larmes,
Voiant de toutes pars des mains tomber les armes :
La Crainte s’enuola auecques le danger
Duquel nous menaçoit le pariure eſtranger :
Qui oſoit esperer que nôtre Seine priſe
Obeiroit aus Lois de l’Angloiſe Tamiſe.
Apres qu’on veit außi, par un Roi vertueus,
Le gendarme qui boit le Rhin impetueus
Eſtre contraint rentrer dedans ſon Allemaigne,
Quel plaiſir, quelle ioie eut toute la Champaigne ?
Depuis ce iour heureus on n’ha tenu propos
Que de tranquillité, de pais & de repos.
Sous le gouuernement du plus grand Roi qui viue
Pallas au lieu d’Ægis porte en main ſon Oliue
Ore affranchis de pœur traffiquent les marchans.
Ore les Laboureurs r’enſemencent leurs chams.