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CHAMBORD, l’ouvrant.

Oh ! quel rassemblement de noyaux de pêches ! Ah çà, mais… c’ te bourse n’est pas tenue là toute seule dans mon chapeau.

PASCAL.

Attends… si c’était…

CHAMBORD.

Le squelette de tout-à-l’heure… pus souvent !

PASCAL.

Cette petite Allemande qui est restée après la baronne… c’est ça… c’est ça même !… Le vieux sec avait raison… Cette bourse, vois-tu, c’est une aumône pour nous deux… Oh ! c’est une insulte !

CHAMBORD.

Si c’est pour nous faire rester tranquilles, le moyen est fameux… Mille tonnerres ! le château n’a qu’à ben se tenir… et la petite Allemande aussi !… Je me vengerai sur tous les deux… Je vas commencer par la petite Allemande… Donne-moi le magot.

PASCAL.

Non, laisse-moi cette bourse… Je veux dire moi-même à c’te baronne tout ce que j’ai sur le cœur.

CHAMBORD[1].

Justement… v’là son altesse qui vient par ici… Allons, de l’énergie, Pascal… détaille-lui son fait… Moi, j’ vas chanter une gamme à la Bavaroise qui a fait la commission.

Air du Prodige de la Chimie.
––––Pas de piquet, de pipe, ni de drogue,
––––Avant d’avoir rendu cet or maudit !…
––––Invite-la surtout par ton dialogue
––––A respecter désormais notre habit.
–––––––––Je file au pas d’ course,
–––––––––Campe-lui sa bourse,
–––––––––Faut la savonner !
––––––Elle a voulu nous écorner !
–––––––––Au soldat un’ femme
––––––––Donner de l’or !… j’ la blâme !
–––––––––Quand ell’ peut offrir
––––––Tant d’aut’s choses qui f’raient plus d’ plaisir !
TOUS DEUX.

Pas de piquet, de pipe, etc.

Chambord sort par le fond.


Scène VIII.

PASCAL, WILHELMINE, entrant par la droite[2].
PASCAL.

La voici… A nous deux !

WILHELMINE.

Monsieur, j’ai donné l’ordre qu’on vous servit quelques flacons de Johannisberg, que vous viderez, j’espère, en buvant à ma santé.

PASCAL, à part.

C’est ça… à l’office. (Haut.) Baronne, faites excuse ; mais nous n’acceptons pas.

WILHELMINE.

Un refus !… et pourquoi ?

PASCAL.

Pardon, madame ; mais je suis un soldat de la république, et je ne peux pas souffrir…

WILHELMINE.

Ah ! je comprends… votre fierté plébéienne se révolte à la pensée de répondre à une offre faite par une femme titrée… Mais que vous ont donc fait à vous ces nobles que vous haïssez tant ?

PASCAL.

Ce qu’ils m’ont fait ?…

WILHELMINE.

Oh ! vous êtes égaré comme tant d’autres ; mais cette noblesse proscrite, persécutée, ou l’accable, on la calomnie.

PASCAL.

La calomnier !… Oh ! ne dites pas cela !

WILHELMINE.

Ce trouble… cette émotion…

PASCAL.

Ne faites pas attention, madame… Sans le vouloir, vous avez réveillé là un ancien souvenir !…

WILHELMINE.

Et ce souvenir ?…

PASCAL.

Ah ! c’est bien ordinaire, bien commun… Ça vous ferait peut-être rire, vous qui êtes baronne.

WILHELMINE.

Dites-moi…

PASCAL.

Pourquoi m’interrogez-vous ?… Quel intérêt une grande dame peut-elle prendre à un soldat ?… Il y a tant de distance entre nous !

WILHELMINE

Ah !…

PASCAL.

Après tout, madame je vous remercie de m’avoir adressé cette question… Je vais y répondre tout au long… et peut-être qu’après m’avoir entendu, vous aurez regret de ce que vous avez fait.

WILHELMINE.

Moi ?…

PASCAL.

En 1767… ça remonte un peu haut… il y avait à Paris une pauvre jeune fille, orpheline de père et de mère… Elle était sans appui, sans protecteur… et, pour son malheur, elle était jolie…

WILHELMINE.

Continuez.

PASCAL.

C’était une ouvrière… mais cette ouvrière avait le cœur d’un ange… Un jour… un grand seigneur, avec des titres, des écussons, aperçut la pauvre petite, la trouva pas mal, et l’enleva… Le lendemain, il la fit reporter dans sa mansarde par ses valets… Il lui envoya de l’or… La jeune fille le refusa… Puis, se trouvant seule avec sa misère et son déshonneur, la pensée lui vint d’en finir avec le chagrin… Mais elle vécut encore, madame.

WILHELMINE.

Elle vécut !

PASCAL.

Elle le devait : elle était mère !… Quelque

  1. Pascal, Chambord.
  2. Pascal, Wilhemine