- Qu’il expie
- La folie
- D’oublier ainsi son devoir.
Elle sort par le fond.
Scène XII.
Oh ! elle a de la poudre dans les jambes et au bout des doigts, la Bavaroise… Enfin, taisez-vous, peines de l’ame… et en avant le petit-lait consolateur. (Il prend plusieurs bouteilles, les met sur la table avec des verres.) Hum ! quel fumet !… Pascal, goûte-moi ça, mon lapin !
Merci, Chambord, merci, j’ai pas soif.
Pas soif, en v’là une maladie méprisable !
Il boit.
Une fois que je serai parti, elle ne pensera plus moi.
Hum ! il a un goût allemand ce vin-là ; il vous échauffe drôlement les parois du bâtiment : fais donc sa connaissance, Pascal.
Non, laisse-moi tranquille.
CHAMBORD. Je te taquine, monsieur belle-humeur… ça t’indispose de choquer avec l’amitié : suffit… je lampe tout seul. (Il boit.) Ah ça, voyons, qué qu’t’as, Pascal ? t’es pas dans ton écuelle de tous les jours.
J’ai… tiens, donne-moi à boire.
Il s’assied.
Allons donc, une aune de velours non épinglé, servi bonne mesure : voilà !
Mon bon Chambord, j’ai…
Quoi ?
J’ai… que je suis pris !
Ah ! bah ! comme moi !
Oh ! pas légèrement, vois-tu ? mais d’aplomb, solidement !
Quelle idée ! pauvre Pascal, j’y suis ! la petite Allemande… et moi, sans cœur, je traînais mes guêtres sur tes amours… mais sois tranquille, ni une, ni trois, je m’immole, je m’exécute ; ami, sans toi, au passage du Rhin, je filais l’arme à gauche… service pour service ; touche-là ! c’est fini, j’enraie !
Merci ! mais ce n’est pas celle-là !
Laquelle donc ?
Tu vas me croire fou ; celle que j’aime pour la vie, entends-tu bien, c’est…
C’est ? (Pascal, sans rien dire, montre la chambre de la Baronne. Chambord, laissant tomber son verre.) La baronne !
Oui, c’est elle ! Oh ! je sais qu’autant vaudrait être amoureux de la reine de Prusse ; mais que veux-tu ? ça n’est pas ma faute : ce matin elle m’a plu tout de suite, et depuis, j’en perds la tête !
Un instant, pas de bêtises, Pascal ; faut donner congé du château avant le terme ; adieu, la belle Allemande, la bonne choucroûte, le bon vin et les lits mollets. Il faut sauver le moral avant de soigner le physique ; prends ton sac, partons !
Il se lève.
Partir ! non ! je veux rester. (Il s’assied.) Je sais bien que c’est de la folie, un soldat aimer une baronne ! et encore un soldat pas beau du tout !
Ah ! si le physique pouvait se prêter.
De plus, je parle mal, j’ai mauvais genre ; je sais lire et écrire, et v’là tout… mais ce n’est pas là une éducation… oh ! je ne veux pas qu’elle se’ moque de moi ; je ne lui dirai rien, je cacherai ct’amour que le diable m’a envoyé ; je n’en parlerai qu’à toi, à toi seul.
C’est ça, à moi seul, jamais à elle.
Pourtant je lui dirai un jour.
Un jour… oui, faudra lui dire un jour.
Le jour où je serai nommé général.
Il se lève.
Général ! Ah ! malheureux ami, il est toqué !
Un général, Chambord, ça vaut mieux qu’un noble… car c’est à la bouche du canon qu’il gagne ses épaulettes ; c’est là que j’irai chercher les miennes.
- Je veux aller sous les feux ennemis
- Chercher la mort ou conquérir un grade.
- Eh ! bien, Pascal, nous n’sommes donc plus amis ?
- Tu n’me planteras pas là, moi, ton vieux camarade,
- Je te suivrai, comme on suit son drapeau,
- Et si l’brutal veut une de nos têtes,
- Nous partagerons entre nous le gâteau,
- ↑ Chambord, Pascal.