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WILHELMINE.

Encore vous, monsieur ?

FRÉDÉRIC, surprit.

Plaît-il ?

WILHELMINE.

Je suis surprise, monsieur, de vous retrouver ici.

FRÉDÉRIC.

Hein !… Ah çà, voyons donc, baronne… faisons-nous une charade… un logogriphe ?

WILHELMINE.

L’heure s’avance, monsieur… il y a quelque distance d’ici à votre château.

FRÉDÉRIC.

Hein !… mon château !… Mais c’est le vôtre qui est le mien, du moins pour quelque temps ; vous l’avez voulu.

WILHELMINE.

J’en conviens… Mais pourquoi vous ai-je fait cette prière ?

FRÉDÉRIC.

Vous vous le rappelez parfaitement, et il est inutile de vous répéter…

WILHELMINE.

Puisque vous vous taisez, je parlerai, moi… Vous êtes resté pour me protéger contre les insultes des soldats français.

PASCAL.

Il a dit cela ?

FRÉDÉRIC[1].

Non, non, pas précisément.

WILHELMINE.

Ce sont vos propres paroles… Vous avez flétri le noble caractère de mes hôtes en leur prêtant des pensées que vous seul avez pu concevoir.

FRÉDÉRIC, à part.

Elle sait tout !

WILHELMINE.

Et comme la loyauté de ces braves gens allait renverser vos projets, vous avez cherché à les corrompre.

FRÉDÉRIC.

Madame…

WILHELMINE.

Voici votre bourse, monsieur ; elle est brodée à vos armes et à votre chiffre.

FRÉDÉRIC.

Eh bien ! oui, baronne, j’avoue ma faute, mon crime, si vous voulez ; mais ne pardonnerez-vous rien à l’excès de mon amour ?

WILHELMINE.

Votre amour… ce matin, je vous voyais avec indifférence… à présent…

FRÉDÉRIC.

Baronne…

WILHELMINE.

Une plus longue explication serait inutile.

FRÉDÉRIC, à part.

Un moment !… nous ne nous quitterons pas ainsi !

WILHELMINE, sonnant ; un valet parait au fond.

Monsieur Frédéric avait renvoyé sa voiture mais une affaire indispensable le rappelle à Spelberg, faites à l’intant seller un de mes chevaux.

FRÉDÉRIC.

Mais…

WILHELMINE.

Robert, conduisez M. le baron.

FRÉDÉRIC.

Mais, baronne, je ne m’en irai pas comme ça.

PASCAL.

Monsieur le baron veut-il que je l’accompagne ?

FRÉDÉRIC.

Eh ! monsieur ! (A part.) Oh ! pardieu, ma belle tante, je ne passerai pas cette nuit sur la route. (Ici Frédéric jetant un coup d’œil sur la porte de droite s’empare de la clef, tandis que Wilhelmine adresse quelques mots, bas, à Pascal. Haut.) Au revoir donc, baronne. (A part.) O Richelieu, inspire-moi !

Il sort.

PASCAL.

Tenez, madame, les épaulettes de capitaine ne me feraient pas autant de plaisir que le départ de ce sournois-là !

WILHELMINE.

Monsieur Pascal, je vous ai dit tout-à-l’heure que je vous chargerais de veiller sur moi. Cette nuit, vous occuperez avec votre ami cette chambre qui est voisine de mon appartement.

PASCAL.

Loger là !… si près de vous !… mais vous nous traitez comme des généraux en chef !

WILHELMINE.

Entrez, examinez vous-même si rien ne vous manque…Bonsoir, monsieur Pascal, à demain.

Wilhelmine entre dans la chambre à droite et, Pascal dans la sienne, à gauche.

PASCAL, en sortant.

C’est un ange que cette baronne-là !


Scène X.

PASCAL ; puis CHAMBORD, entrant par le fond.
CHAMBORD.

Ah ! ah ! ah !… enlevé d’assaut !… une, deux, la taille dans les index… puis le baiser militaire, en appuyant… mais rien qu’un, pas plus… filée comme une étoile qu’a fait son temps. Oh ! c’est fini, je suis amorcé, harponné… je passe aux Allemandes… enfoncée Margoton, cantinière de la demi-brigade… pour le mois courant, je me désabonne.

Air nouveau de M. Hoffenbach :
–––––––––––Margoton,
–––––––––––Ma Junon,
–––––––––––N, i, ni,
–––––––––––Ton fifi
––––––––––Bat en retraite,
––––––––––Plus d’amourette :
––––––––––Tout est fini.
––––––Mon cœur danse la galopade
––––––Quand je pense au minois all’mand
  1. Pascal, Wilhelmine, Frédéric.