Page:Pascal - Pensées, 2e édition G. Desprez, 1670.djvu/415

Cette page a été validée par deux contributeurs.

[§] Quand un discours naturel peint une passion ou un effet, on trouve dans soi-même la vérité de ce qu’on entend, qui y était sans qu’on le sût ; et on se sent porté à aimer celui qui nous le fait sentir. Car il ne nous fait pas montre de son bien, mais du nôtre ; et ainsi ce bienfait nous le rend aimable ; outre que cette communauté d’intelligence que nous avons avec lui incline nécessairement le cœur à l’aimer.

[§] Il faut qu’il y ait dans l’éloquence de l’agréable, et du réel ; mais il faut que cet agréable soit réel.

[§] Quand on voit le style naturel, on est tout étonné, et ravi ; car on s’attendait de voir un auteur, et on trouve un homme. Au lieu que ceux qui ont le goût bon, et qui en voyant un livre croient trouver un homme, sont tous surpris de trouver un auteur : plus poëticè quam humane locutus est. Ceux là honorent bien la nature, qui lui apprennent qu’elle peut parler de tout, et même de Théologie.