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dant on ne le dit point ; et la raison en est, qu’on sait bien quel est l’objet de la Géométrie, et quel est l’objet de la Médecine ; mais on ne sait pas en quoi consiste l’agrément qui est l’objet de la poésie. On ne sait ce que c’est que ce modèle naturel qu’il faut imiter ; et à faute de cette connaissance, on a inventé de certains termes bizarres, siècle d’or, merveille de nos jours, fatal laurier, bel astre, etc., et on appelle ce jargon, beauté poétique. Mais qui s’imaginera une femme vêtue sur ce modèle, verra une jolie demoiselle toute couverte de miroirs et de chaînes de laiton ; et au lieu de la trouver agréable, il ne pourra s’empêcher d’en rire ; parce qu’on sait mieux en quoi consiste l’agrément d’une femme que l’agrément des vers. Mais ceux qui ne s’y connaissent pas l’admireraient peut-être en cet équipage ; et il y a bien des villages où l’on la prendrait pour la Reine : et c’est pourquoi il y en a qui appellent des sonnets faits sur ce modèle, des Reines de village.