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de l’air du visage et du ton de la voix : tant il est aisé de démonter un jugement de son assiette naturelle, ou plutôt tant il y en a peu de ferme et de stable.

[§] Les Platoniciens, et même Épictète et ses sectateurs croient que Dieu est seul digne d’être aimé et admiré ; et cependant ils ont désiré d’être aimés et admirés des hommes. Ils ne connaissent pas leur corruption. S’ils se sentent portés à l’aimer et à l’adorer, et qu’ils y trouvent leur principale joie, qu’ils s’estiment bons à la bonne heure. Mais s’ils y sentent de la répugnance ; s’ils n’ont aucune pente qu’à se vouloir établir dans l’estime des hommes ; et que pour toute perfection ils fassent seulement que sans forcer les hommes ils leurs fassent trouver leur bonheur à les aimer ; je dirai que cette perfection est horrible. Quoi, ils ont connu Dieu, et n’ont pas désiré uniquement que les hommes l’aimassent : ils ont voulu que les hommes s’arrêtassent à eux : ils ont voulu être l’objet du bonheur volontaire des hommes.