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s’y préparer. Les nécessités de la nature lui en ravissent une très grande partie. Il ne lui reste que très peu dont elle puisse disposer. Mais ce peu qui lui reste l’incommode si fort, et l’embarrasse si étrangement, qu’elle ne songe qu’à le perdre. Ce lui est une peine insupportable d’être obligée de vivre avec soi, et de penser à soi. Ainsi tout son soin est de s’oublier soi-même, et de laisser couler ce temps si court et si précieux sans réflexion, en s’occupant de choses qui l’empêchent d’y penser.

C’est l’origine de toutes les occupations tumultuaires des hommes, et de tout ce qu’on appelle divertissement ou passe-temps, dans lesquels on n’a en effet pour but que d’y laisser passer le temps, sans le sentir, ou plutôt sans se sentir soi-même, et d’éviter en perdant cette partie de la vie l’amertume et le dégoût intérieur qui accompagnerait nécessairement l’attention que l’on ferait sur soi même durant ce temps-là. L’Âme ne trouve rien en elle qui la con-