Page:Pascal - Pensées, 2e édition G. Desprez, 1670.djvu/268

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui ne la connaissent pas, qu’en ceux qui la connaissent.

[§] Si on est trop jeune, on ne juge pas bien. Si on est trop vieux, de même. Si on n’y songe pas assez, si on y songe trop, on s’entête, et l’on ne peut trouver la vérité.

Si l’on considère son ouvrage incontinent après l’avoir fait, on en est encore tout prévenu. Si trop longtemps après, on n’y entre plus.

Il n’y a qu’un point indivisible, qui soit le véritable lieu de voir les tableaux. Les autres sont trop près, trop loin, trop hauts, trop bas. La perspective l’assigne dans l’art de la peinture. Mais dans la vérité et dans la morale qui l’assignera ?

[§] Cette maîtresse d’erreur que l’on appelle fantaisie et opinion, est d’autant plus fourbe qu’elle ne l’est pas toujours. Car elle serait règle infaillible de vérité, si elle l’était infaillible du mensonge. Mais étant le plus souvent fausse, elle ne donne aucune marque de sa qualité, marquant de même caractère le vrai et le faux.