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justice où nous sommes nés, dont nous ne pouvons nous défaire, et dont il faut nous défaire.

Cependant nulle autre Religion que la Chrétienne n’a remarqué que ce fût un péché, ni que nous y fussions nés, ni que nous fussions obligés d’y résister, ni n’a pensé à nous en donner les remèdes.

[§] Il y a une guerre intestine dans l’homme entre la raison et les passions. Il pourrait jouir de quelque paix s’il n’avait que la raison sans passions, ou s’il n’avait que les passions sans raison. Mais ayant l’un et l’autre, il ne peut être sans guerre, ne pouvant avoir la paix avec l’un qu’il ne soit en guerre avec l’autre. Ainsi il est toujours divisé et contraire à lui-même.

[§] Si c’est un aveuglement qui n’est pas naturel de vivre sans chercher ce qu’on est, c’en est un encore bien plus terrible de vivre mal en croyant Dieu. Tous les hommes presque sont dans l’un ou l’autre de ces deux aveuglements.