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a voulu se rendre centre de lui-même, et indépendant de mon secours. Il s’est soustrait à ma domination : et s’égalant à moi par le désir de trouver la félicité en lui-même, je l’ai abandonné à lui ; et révoltant toutes les créatures qui lui étaient soumises, je les lui ai rendues ennemies ; en sorte qu’aujourd’hui l’homme est devenu semblable aux bêtes, et dans un tel éloignement de moi qu’à peine lui reste-t-il quelque lumière confuse de son auteur, tant toutes ses connaissances ont été éteintes ou troublées. Les sens indépendants de la raison et souvent maîtres de la raison l’ont emporté à la recherche des plaisirs. Toutes les créatures ou l’affligent ou le tentent, et dominent sur lui ou en le soumettant par leur force, ou en le charmant par leurs douceurs, ce qui est encore une domination plus terrible et plus impérieuse.

[§] Voilà l’état où les hommes sont aujourd’hui. Il leur reste quelque instinct impuissant du bonheur