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PENSÉES DE PASCAL.


ARTICLE PREMIER.
1.

… Que l’homme contemple donc[1] la nature entière dans sa haute et pleine majesté ; qu’il éloigne sa vue[2] des objets

  1. « Que l’homme contemple donc. » Ce long paragraphe a pour titre dans le manuscrit, Disproportion de l’homme. Il commençait d’abord par l’alinéa suivant, que Pascal a barré ensuite : « Voilà où nous mènent les connaissances naturelles. Si celles-là ne sont véritables, il n’y a point de vérité dans l’homme ; et, si elles le sont, il y trouve un grand sujet d’humiliation, forcé de s’abaisser d’une ou d’autre manière ; et, puisqu’il ne peut subsister sans les croire, je souhaite, avant que d’entrer dans de plus grandes recherches de la nature, qu’il la considère une fois sérieusement et à loisir, qu’il se regarde aussi soi-même, et juge s’il a quelque proportion avec elle, par la comparaison qu’il fera de ces deux objets. » On ne peut dire au juste à quelle suite d’idées se liaient, dans la pensée de Pascal, ces premiers mots : Voilà où nous mènent, etc. Mais les dernières lignes indiquent très-nettement la pensée générale de ce morceau. Pascal soutient, comme Montaigne, que l’homme ne peut atteindre à la science, même dans l’ordre des choses naturelles ; qu’il ne peut connaître la nature, attendu qu’il n’est pas en proportion avec elle ; qu’il y a disproportion entre le sujet et l’objet, comme parlent les philosophes. Le raisonnement est donc celui-ci : ou bien ce que les sens nous apprennent de la nature n’est pas vrai, alors il n’y a pas de vérité pour nous, et il faut nous humilier ; ou bien, comme ils nous apprennent qu’elle est disproportionnée avec nous, et que nous n’en pouvons avoir la science, il faut encore nous humilier. Comme il manque un commencement à ce que Pascal avait écrit, P. R. en a fait un : « La première chose qui s’offre à l’homme, quand il se regarde, c’est son corps, etc. » Ce commencement ne marque pas l’intention de Pascal. — La nature entière dans sa haute et pleine majesté. Montaigne, I, 25, page 249 : « Mais qui se présente comme dans un tableau cette grande image de nostre mere nature en son entiere maiesté, » etc.
  2. « Qu’il éloigne sa vue. » Expression vive, qui fait image. P. H. met :