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donne la lunette d’approche, nous y avons découvert une infinité[1] de petites étoiles, dont la splendeur plus abondante nous a fait reconnaître quelle est la véritable cause de cette blancheur ?

N’avaient-ils pas aussi sujet de dire que tous les corps corruptibles étaient renfermés dans la sphère du ciel de la lune[2], lorsque durant le cours de tant de siècles ils n’avaient point encore remarqué de corruptions ni de générations hors de cet espace ? Mais ne devons-nous pas assurer le contraire, lorsque toute la terre a vu sensiblement des comètes s’enflammer[3] et disparaître bien loin au delà de cette sphère ?

C’est ainsi que, sur le sujet du vide, ils avaient droit de dire que la nature n’en souffrait point, parce que toutes leurs expériences leur avaient toujours fait remarquer qu’elle l’abhorrait et ne le pouvait souffrir[4]. Mais si les nouvelles

  1. « Une infinité. » Cf. Pensées, xxiv, 36, et les notes.
  2. « Du ciel de la lune. » Ou plutôt du cycle ou cercle de la lune. Voir le second chapitre du Περὶ ϰόσμου, faussement attribué à Aristote. On supposait, entre la terre et la grande sphère des étoiles fixes, un certain nombre de cercles sur chacun desquels tournait chaque planète : celui de la lune était le dernier et le plus rapproché de nous. Au-dessous s’étendait la région ignée où naissent et meurent les météores de toute espèce, parmi lesquels on confondait les comètes. Ibidem.
  3. « S’enflammer. » Tout en reconnaissant que les comètes se montrent bien au delà de la lune, Pascal parait les considérer lui-même comme des météores ou feux passagers, qui se produisent tout à coup et s’éteignent tout à coup aussi. Il semble ignorer que les comètes sont de véritables astres, dont l’existence est indépendante de leur apparition, et qui accomplissent leur révolution autour du soleil. C’est pourtant ce que de grands esprits avaient deviné déjà chez les anciens, comme on le voit par Aristote même qui combat leurs conjectures (Méteor., I, 6). Voir aussi la belle exposition du VIIe livre des Questions naturelles de Sénèque. — Du reste, cela n’empêche pas qu’il ne puisse y avoir partout, dans l’univers, production et destruction continuelle, ou, comme dit Pascal d’après les Grecs, génération et corruption (γένεσις ϰαὶ φθρά) ; et que les soleils mêmes et les étoiles ne s’enflamment ou ne s’éteignent en des points divers de l’espace et du temps. Voir le Cosmos, de M. de Humboldt, tome premier, page 88, de la traduction française.
  4. « Et ne le pouvait souffrir. » Voir les prolégomènes des Πνευματιϰά