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C’est ainsi que la géométrie, l’arithmétique, la musique, la physique, la médecine, l’architecture, et toutes les sciences qui sont soumises à l’expérience et au raisonnement, doivent être augmentées pour devenir parfaites[1]. Les anciens les ont trouvées seulement ébauchées par ceux qui les ont précédés ; et nous les laisserons à ceux qui viendront après nous en un état plus accompli que nous ne les avons reçues. Comme leur perfection dépend du temps et de la peine, il est évident qu’encore que notre peine et notre temps nous fussent moins acquis que leurs travaux, séparés des nôtres[2], tous deux néanmoins joints ensemble doivent avoir plus d’effet que chacun en particulier.

L’éclaircissement de cette différence doit nous faire plaindre l’aveuglement de ceux qui apportent la seule autorité pour preuve dans les matières physiques, au lieu du raisonnement ou des expériences ; et nous donner de l’horreur pour la malice des autres, qui emploient le raisonnement seul dans la théologie au lieu de l’autorité de l’écriture et des Pères[3]. Il faut relever le courage de ces gens timides qui n’osent rien inventer en physique, et confondre l’insolence de ces téméraires qui produisent des nouveautés en théologie. Cependant le malheur du siècle est tel, qu’on voit beaucoup d’opinions nouvelles en théologie, inconnues à toute l’antiquité, soutenues avec obstination et reçues avec applaudissement ; au lieu que celles qu’on produit dans la physique, quoi qu’en petit nombre, semblent devoir être con-

    travail et du progrès continu de la raison humaine ! Quelle différence de ce langage à celui du paragraphe 1er des Pensées !

  1. « Parfaites. » C’est-à-dire plus parfaites ; ce mot n’a ici qu’un sens relatif, car on n’atteint jamais la limite.
  2. « Des nôtres. » Grande concession, où se marque un respect profond pour Le génie des Grecs.
  3. « Et des Pères. » Ceci est un trait contre le probabilisme des Jésuites. Voir, danS les Pensées, xxiv, 41.