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autant que les livres dans lesquels elles sont contenues[1].

C’est suivant cette distinction qu’il faut régler différemment l’étendue de ce respect[2]. Le respect que l’on doit avoir pour…

Dans les matières où l’on recherche seulement de savoir ce que les auteurs ont écrit, comme dans l’histoire[3], dans la géographie, dans la jurisprudence, dans les langues et surtout dans la théologie, et enfin dans toutes celles qui ont pour principe, ou le fait simple, ou l’institution divine ou humaine, il faut nécessairement recourir à leurs livres, puisque tout ce que l’on en peut savoir y est contenu d’où il est évident que l’on peut en avoir la connais-

  1. « Sont contenues. » Il faut suppléer pour le sens, sont bornées aussi. Cela est bientôt dit, mais, dans ces bornes même, quelle n’est pas l’effrayante étendue des sciences historiques ! quelle entreprise que de savoir tout ce qui est dans les livres, sans parler des autres monuments ! Le pendant de cette phrase est que les connaissances dogmatiques sont au contraire indéfinies ; c’est ce qui va être expliqué plus loin.
  2. « De ce respect. » Du respect pour les auteurs. Le respect pour les auteurs en matière purement historique (dans le sens où il entend ce mot) sera une soumission complète ; ailleurs ce ne sera qu’un simple et libre respect.
  3. « Dans l’histoire. » Pascal fait abstraction ici de la part de raisonnement et de critique qui doit entrer dans toutes les études dont il parle. Car il ne s’agit pas seulement en histoire de savoir ce qu’un auteur a dit, mais de savoir s’il a dit vrai, d’apprécier son témoignage en le contrôlant, non-seulement par d’autres témoignages, mais souvent même par la connaissance de la nature, soit physique, soit morale. Il s’agit encore de comprendre les faits, d’en saisir les rapports, les lois, l’esprit. Il est sûr pourtant qu’il faut toujours partir des témoignages transmis. Quand Pascal ajoute, surtout en théologie, ce surtout marque qu’il a bien senti que, pour les autres sciences, ce qu’il a dit n’est vrai qu’en gros et non à la rigueur ; cela lui suffit. Mais, même en théologie, n’y a-t-il pas une place pour le raisonnement, pour la critique des textes, pour l’appréciation des autorités ? — Ces remarques ont pour but d’éclaircir la pensée de Pascal plutôt que de la critiquer, car, au fond, elle demeure très-juste. S’il est vrai que les sciences qu’il appelle historiques ne sont pas purement historiques, et que le dogmatique se mêle partout, il est vrai aussi que, en tant qu’historiques, elles sont toutes dans les monuments ou les textes , et ne peuvent jamais les dépasser. C’est la doctrine qui s’y ajoute qui est seule susceptible de progrès.