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Je vais finir, mais qu’on me permette encore une réflexion. Les ennemis de la philosophie se sont servis de Pascal contre elle ; il n’est donc pas étonnant que ceux qui ont le droit de parler au nom de la philosophie aient compté Pascal parmi ses ennemis. On a été jusqu’à dire que les Pensées sont peut-être plus dangereuses qu’utiles. Je ne puis le croire ; je ne puis penser qu’il y ait du danger dans le commerce d’un esprit si vigoureux et d’une âme si élevée. Ce n’est pas son jansénisme qui peut être à craindre aujourd’hui, et son scepticisme même me paraît une épreuve plus capable d’exercer la raison que de l’abattre. En le lisant, nous sommes plus souvent enhardis par le sentiment de sa force que troublés par la contagion de sa faiblesse. Non, Pascal n’est pas un ennemi de la philosophie, car la philosophie n’a d’ennemis, à mon sens, que ceux qui ne raisonnent pas et qui ne veulent pas qu’on raisonne, soit par une aveugle superstition, soit par un mépris stupide de l’intelligence. Mais un Pascal est philosophe quoi qu’il en ait, et le travail qui s’opère sous son influence dans un bon esprit ne peut être que philosophique. Et c’est Pascal enfin qui a répondu aux ennemis de la raison, aux esclaves de l’autorité et de la force, par une pensée à laquelle tous les

    chaleur d’âme, de libéralisme d’esprit et de cœur, tout à fait digne de figurer dans un ouvrage auquel l’Académie française vient de décerner le prix de l’histoire éloquente. — De la Méthode philosophique de Pascal, par M. Lescœur, 1850, petit écrit ingénieux et paradoxal, où l’auteur se jette dans l’argument du pari comme dans la seule voie de la foi et du salut : de là il combat contre les philosophes d’une main et contre les Jésuites de l’autre. — Pascal, sa vie et son caractère, ses écrits et son génie, par M. l’abbé Maynard, 1850, 2 vol. in-8°. On y trouvera beaucoup de recherches et beaucoup d’habileté, qui sont employées à établir ces deux thèses : pour les Provinciales, que Pascal s’est trompé sur les Jésuites ; pour les Pensées, que le fond n’en est ni sceptique, ni janséniste, mais parfaitement édifiant dans tous les sens. C’est Pascal mis au point de vue de ses fameux adversaires, dans un livre qui est tout à fait selon leur esprit. M. l’abbé Maynard a publié dans le même sens une édition fort curieuse des Provinciales (1851), avec leur réfutation.