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dans ce beau style, et avec cette touche de maître qui donne aux choses tout leur effet…

M. Cousin avait préparé la véritable édition des Pensées, il en avait marqué le caractère, établi les principes, indiqué les résultats, il en avait donné une sorte de specimen, mais il ne l’avait pas faite. M. Prosper Faugère la fit paraître en 1844[1]. Il dépouilla entièrement le manuscrit autographe des Pensées ; il recueillit les Opuscules dans les excellents manuscrits du P. Guerrier : il s’est assuré l’honneur, qui ne lui sera jamais ôté, d’avoir publié le premier un texte complet et authentique. Je dois plus que personne rendre hommage à un travail sans lequel je n’aurais pas fait celui que je présente au public…

Un morceau intitulé De Pascal considéré comme écrivain et comme moraliste, par M. Villemain, a été publié en 1823 dans ses Discours et Mélanges. On ne lisait pas encore alors le manuscrit autographe, mais un pareil esprit n’avait pas besoin d’autre chose que de ce qu’on connaissait déjà des Pensées pour comprendre tout Pascal. Nul ne l’a mieux compris en effet, nul na plus dignement rendu le tourment de sa pensée et l’effort de sa foi, d’autant plus violente qu’elle désespère de la raison. L’auteur n’argumente pas, ne plaide pas, il dit ce qu’il sent et le fait sentir avec un calme et une dignité morale qui inspire une pleine confiance dans son jugement. C’est un critique touché et désintéressé à la fois, qui ne mêle à l’impression qu’il reçoit des choses ni aucune passion personnelle ni aucune thèse de circonstance. Dans ces pages éloquentes, pleines de toutes les beautés et de tous les charmes de la parole, en même temps qu’on est ému, on admire ce goût et cette mesure si rares qui là

  1. Pensées, fragments et lettres de Blaise Pascal, publiés pour la première fois conformément aux manuscrits originaux, etc. Paris, 2 vol. in-8°. — M. Faugère a publié aussi des Pensées choisies de Pascal, 1848.