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PASCAL. — PENSÉES.

cédera comme il plait[1] ; les uns la remettent à l’élection des peuples, les autres à la succession de naissance, etc.

Et c’est là où l’imagination commence à jouer son rôle. Jusque-là le pouvoir force le fait : ici c’est la force qui se tient par l’imagination[2] en un certain parti, en France des gentilshommes, en Suisse des roturiers[3], etc.

Ces cordes qui attachent donc[4] le respect à tel et tel en particulier, sont des cordes d’imagination.

63.

Nous sommes si malheureux que nous ne pouvons prendre plaisir à une chose qu’à condition de nous fâcher si elle nous réussit mal ; ce que mille choses peuvent faire, et font à toute heure. Qui aurait trouvé le secret de se réjouir du bien sans être touché du mal contraire, aurait trouvé le point. C’est le mouvement perpétuel[5].


ARTICLE VII.
1.

A mesure qu’on a plus d’esprit, on trouve qu’il y a plus d’hommes originaux. Les gens du commun ne trouvent pas de différence entre les hommes.

  1. « Comme il plait. » C’est le latin ut libet, ad libitum, d’une façon ou d’une autre.
  2. ^ « Qui se tient par l’imagination. » Pascal veut dire que la noblesse,par exemple, a d’abord établi son empire en France par la force, au temps de la conquête, mais que cet empire ne se soutient plus que par l’imagination ou le préjugé.
  3. « En Suisse des roturiers. » Cf. v, 8.
  4. « Qui attachent donc. » Ce donc serait mieux placé à la fin de la phrase : sont donc des cordes.
  5. « C’est le mouvement perpétuel. » Je pense que Pascal veut dire que cela est aussi impossible à trouver que le mouvement perpétuel.