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PASCAL. — PENSÉES.

s’en souvient : car il est également de ce caractère qu’on ne dise point deux qu’ils parlent bien, lorsqu’il n’est pas question du langage ; et qu’on dise d’eux qu’ils parlent bien, quand il en est question. C’est donc une fausse louange qu’on donne à un homme quand on dit de lui, lorsqu’il entre, qu’il est fort habile en poésie ; et c’est une mauvaise marque[1], quand on n’a pas recours à un homme lorsqu’il s’agit de juger de quelques vers.


L’homme est plein de besoins : il n’aime que ceux qui peuvent les remplir tous. C’est un bon mathématicien, dira-t-on. Mais je n’ai que faire de mathématiques ; il me prendrait pour une proposition[2]. C’est un bon guerrier. Il me prendrait pour une place assiégée. Il faut donc un honnête homme[3], qui puisse s’accommoder à tous mes besoins[4] généralement.

  1. « C’est une mauvaise marque. » Cela prouve du moins qu’il n’est pas complet, qu’il y a des choses auxquelles son esprit n’est pas ouvert.
  2. « Pour une proposition. » P. R. a supprimé cette boutade et la suivante.
  3. « Un honnête homme. » Cf. 32. On trouve dans le manuscrit cette autre forme de la même pensée : « Il faut qu’on n’en puisse dire, ni, il est mathématicien, ni prédicateur, ni éloquent ; mais, il est honnête homme. Cette qualité universelle me plaît seule. Quand en voyant un homme on se souvient de son livre, c’est mauvais signe ; je voudrais qu’on ne s’aperçût » d’aucune qualité que par la rencontre et l’occasion d’en user. Ne quid nimis, de peur qu’une qualité ne l’emporte, et ne fasse baptiser. Qu’on ne songe point qu’il parle bien, sinon quand il s’agit de bien parler, mais qu’on y songe alors. » Cette pensée nous paraît plus nette et plus vive que celle qui a été donnée par P. R. M. Collet a justement rapproché ces fragments de divers passages du chevalier de Méré (voir la note 16 sur la vie de Pascal) : « La guerre est le plus beau métier du monde, il en faut demeurer d’accord ; mais, à le bien prendre, un honnête homme n’a point de métier. Quoiqu’il sache parfaitement une chose, et que même il soit obligé d’y passer sa vie, il me semble que sa manière d’agir ni son entretien ne le font point remarquer (t. i, p. 190). » Et ailleurs (t. ii, p. 80) : « C’est un malheur aux honnêtes gens d’être pris à leur mine pour des gens de métier, et quand on a cette disgrâce, il s’en faut dé-
  4. « À tous mes besoins. » P. R., à tous nos besoins. P. R. fait parler Pascal en auteur, tandis qu’il parle en homme (viii, 28). Cf. 55.