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ARTICLE V.
mirer qu’on y en trouve, et d’en demander la raison. De vrai, dit-il[1], d’où vient, etc…
14.
Le peuple a les opinions[2] très-saines : par exemple : 1° D’avoir choisi le divertissement et la chasse plutôt que la poésie[3]. Les demi-savants s’en moquent, et triomphent à montrer là-dessus la folie du monde ; mais, par une raison qu’ils ne pénètrent pas, on a raison. 2° D’avoir distingué les hommes par le dehors, comme par la naissance ou le bien : le monde triomphe encore à montrer combien cela est déraisonnable ; mais cela est très-raisonnable[4]. 3° De s’offenser pour avoir reçu un soufflet, ou de tant désirer la gloire. Mais cela est très-souhaitable, à cause des autres biens essentiels qui y sont joints. Et un homme qui a
- ↑ « De vrai, dit-il. » Pascal, citant de mémoire, ne cite pas exactement ; voici le texte de Montaigne, I, 42, p. 181 : « Mais à propos de l’estimation des hommes, c’est merveille que, sauf nous, aulcune chose ne s’estime que par ses propres qualitez : nous louons un cheval de ce qu’il est vigoureux et adroict, non de son harnois ; un levrier de sa vistesse, non de son collier ; un oyseau, de son aile, non de ses longes et sonnettes [il s’agit d’un oiseau de chasse, d’un faucon] : pourquoy de mesme n’estimons-nous un homme par ce qui est sien ? » etc.
- ↑ « Le peuple a les opinions. » La Bruyère, des Grands, à la fin du chapitre : « Qui dit le peuple dit plus d’une chose… Il y a le peuple qui est opposé aux grands, c’est la populace et la multitude ; il y a le peuple qui est opposé aux sages, aux habiles et aux gens vertueux ; ce sont les grands comme les petits. » C’est ce dernier peuple, ou le vulgaire, dont parle Pascal.
- ↑ « Plutôt que la poésie. » Je ne pense pas que Pascal veuille dire, plutôt que de faire de la poésie ; il ne serait nullement à propos que tout le monde se mêlât de faire des vers. S’il veut dire seulement, plutôt que d’en lire et d’en écouter, il me semble qu’on doit désirer d’être capable du plus grand nombre de plaisirs possibles ; et que les esprits délicats, qui par-dessus celui des divertissements, ont encore celui de la poésie, sont dans une meilleure condition que d’autres qui n’y seraient pas sensibles. Mais ceux qui voudraient qu’on ne s’amusât jamais qu’à lire des vers seraient des pédants. Je ne sais à qui Pascal en veut dans ce passage.
- ↑ « Est très-raisonnable. » Cf. 6 et 13.