l’usurpation[1] ; elle a été introduite sans raison, elle est devenue raisonnable ; il faut la faire regarder comme authentique, éternelle, et en cacher le commencement si on ne veut qu’elle ne prenne bientôt fin[2].
L’esprit de ce souverain juge du monde[3] n’est pas si indépendant qu’il ne soit sujet à être troublé par le premier tintamarre qui se fait autour de lui. Il ne faut pas le bruit d’un canon[4] pour empêcher ses pensées : il ne faut que le bruit d’une girouette ou d’une poulie. Ne vous étonnez pas[5]
- ↑ « La vérité de l’usurpation. » C’est-à-dire la vérité, qui est que la loi n’est qu’une usurpation. — Elle. Cette usurpation, cette loi usurpatrice. Cette phrase n’est pas bien faite.
- ↑ « Qu’elle ne prenne bientôt fin. » L’antithèse rend la pensée plus piquante. Il faudrait régulièrement qu’elle prenne bientôt fin. — Pour ne pas perdre le fil du raisonnement dans ce morceau, il faut mettre à part la phrase : Mais par un défaut contraire, et la regarder comme une espèce de parenthèse qui n’entre pas dans la suite des idées, et où seulement Pascal remarque en passant que les hommes qui se révoltent souvent contre la coutume au nom de la justice, quelquefois, au contraire, subordonnent la justice à la coutume. — Sur tout ce morceau, cf. vi, 40.
- ↑ « L’esprit de ce souverain juge du monde. » P. R. a mis platement : L’esprit du plus grand homme du monde. Pascal met en opposition la faiblesse de l’homme et ses prétentions.
- ↑ « Le bruit d’un canon. » Mont., Apol., p. 254 : « Ce ne sont pas seulement… les grands accidents qui renversent nostre iugement, les moindres choses du monde le tournevirent, » etc. Sur ce tour : Il ne faut pas, cf. i, 6.
- ↑ « Ne vous étonnez pas. » Et plus loin : « Chassez cet animal. » Ce style est plein de mouvement et tout dramatique.
beaucoup de choses vrayes, et en croye beaucoup de faulses : Quum veritatem qua liberetur inquirat, credatur et expedire quod fallitur. » De Civ. Dei, IV, 27. A la manière dont Montaigne s’exprime, on croirait que c’est Varron qui dit ces paroles, Quum veritatem, etc. ; tandis qu’elles font partie d’une réflexion que fait saint Augustin. Voici sa phrase entière : Præclara religio, quo confugiat liberandus infirmus, et quum veritatem, etc. « Belle religion, pour qu’un malade aille y chercher son salut, et que tandis qu’il demande une vérité qui le guérisse, on professe qu’il lui est avantageux d’être trompé ! » Pascal change tout à fait le texte ; la phrase qu’il donne signifie : Comme il ignore la vérité qui le délivrerait du mal, il lui est utile d’être trompé. »