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PASCAL. — PENSÉES.
9.

Je blâme également[1], et ceux qui prennent parti[2] de louer l’homme, et ceux qui le prennent de le blâmer, et ceux qui le prennent de se divertir ; et je ne puis approuver que ceux qui cherchent en gémissant.


Les stoïques[3] disent : Rentrez au dedans de vous-mêmes ; c’est là où vous trouverez votre repos : et cela n’est pas vrai. Les autres[4] disent : Sortez au dehors ; recherchez le bonheur en vous divertissant : et cela n’est pas vrai. Les maladies viennent : le bonheur n’est ni hors de nous, ni dans nous ; il est en Dieu, et hors et dans nous[5].

10.

La nature de l’homme se considère en deux manières : l’une selon sa fin, et alors il est grand et incomparable ; l’autre selon la multitude[6], comme l’on juge de la nature du cheval et du chien, par la multitude d’y voir[7] la course,

  1. « Je blâme également. » Voir l’art. ix, 5e alinéa.
  2. « Qui prennent parti. » Nous dirions, qui prennent le parti, et ensuite, qui prennent celui de. — Ceux qui louent sont les stoïciens, comme Epictète ; ceux qui blâment sont les épicuriens, ceux qui se divertissent sont les indifférents.
  3. « Les stoïques. » Pascal dit stoïques et non stoïciens. — Rentrez au dedans. Cf. viii, 1, à la fin.
  4. « Les autres. » C’est-à-dire les épicuriens et les indifférents, qui, dans la pratique, se confondent.
  5. « Et hors et dans nous. » C’est-à-dire que, étant en Dieu, il est ainsi et hors et dans nous. Hors nous, parce que nous ne sommes pas Dieu ; dans nous, parce que dans nous nous retrouvons Dieu.
  6. « La multitude d’y voir. » Si c’est bien là le texte, cette phrase barbare ne peut-elle pas s’entendre ainsi : par la multitude des cas qui se présentent d’y voir la course, etc. ? On a substitué, l’habitude.
  7. « Selon la multitude. » C’est-à-dire, à ce qu’il semble, selon ce qui se voit dans le grand nombre des hommes, selon le grand nombre des cas.