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chapitre premier.

que l’évidence de Dieu ne soit pas telle dans la nature[1]. Aussi elle nous dit ailleurs : Vere tu es Deus absconditus[2].

XIV. — Qu’on ne dise pas que je n’ai rien dit de nouveau ; la disposition des matières est nouvelle. Quand on joue à la paume, c’est une même balle dont on joue l’un et l’autre ; mais l’un la place mieux. J’aimerais autant qu’on me dît que je me suis servi des mots anciens. Et comme si les mêmes pensées ne formaient pas un autre corps par une disposition différente de discours, aussi bien que les mêmes mots forment d’autres pensées par leur différente disposition.

XV. — Diversité. — La théologie est une science, mais en même temps combien est-ce de sciences[3] ? Un homme est un suppôt[4] : mais si on l’anatomise, sera-ce la tête, le cœur, l’estomac, les veines, chaque veine, chaque portion de veine, le sang, chaque humeur du sang[5] ?

Une ville, une campagne, de loin est une ville et une campagne ; mais à mesure qu’on s’approche, ce sont des maisons, des arbres, des tuiles, des feuilles, des herbes, des fourmis, des jambes de fourmi, à l’infini. Tout cela s’enveloppe sous le nom de campagne.

  1. Non, l’existence de Dieu n’est pas tout aussi facile à découvrir que celle du soleil, et il y faut de la recherche, mais une recherche assez facile.
  2. « Vraiment vous êtes un Dieu caché. » (Is., XLIV, 15.) Ce qui n’a pas été dit au sens de Pascal.
  3. C’est-à-dire, la théologie est-elle une science unique, ou un assemblage de sciences ?
  4. Un seul être subsistant à part.
  5. Laquelle de ces parties sera essentiellement l’homme ? Et ne faudra-t-il pas admettre qu’il y a plusieurs choses essentielles en lui ? — Si cette comparaison et la suivante montrent qu’il peut y avoir plusieurs parties essentielles dans la science théologique,elles ne prouvent pas que cette science en fasse plusieurs.