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pensées de blaise pascal.

Seconde partie : Qu’il y a un réparateur. Par l’Écriture[1].

XIII. — Préface de la seconde partie : Parler de ceux qui ont traité de cette matière.

J’admire avec quelle hardiesse ces personnes entreprennent de parler de Dieu, en adressant leurs discours aux impies. Leur premier chapitre est de prouver la divinité par les ouvrages de la nature.

Je ne m’étonnerais pas de leur entreprise, s’ils adressaient leurs discours aux fidèles, car il est certain [que ceux] qui ont la foi vive dedans le cœur voient incontinent que tout ce qui est n’est autre chose que l’ouvrage du Dieu qu’ils adorent. Mais pour ceux en qui cette lumière s’est éteinte, et dans lesquels on a dessein de la faire revivre, ces personnes destituées de foi et de grâce, qui, recherchant de toute leur lumière tout ce qu’ils voient dans la nature qui les peut mener à cette connaissance, ne trouvent qu’obscurité et ténèbres[2] ; dire à ceux-là qu’ils n’ont qu’à voir la moindre des choses qui les environnent, et qu’ils y verront Dieu à découvert[3], et leur donner, pour toute preuve[4] de ce grand et important sujet, le cours de la lune et des planètes, et prétendre avoir achevé sa preuve avec un tel discours, c’est leur donner sujet de croire que les preuves de notre religion sont bien faibles ; et je vois par raison et par expérience que rien n’est plus propre à leur en faire naître le mépris.

Ce n’est pas de cette sorte que l’Écriture, qui connaît mieux les choses qui sont de Dieu, en parle[5]. Elle dit au contraire que Dieu est un Dieu caché ; et que, depuis la corruption de la nature, il les a laissés dans un aveuglement dont ils ne peuvent sortir que par Jésus-Christ, hors duquel toute communication avec Dieu est ôtée : Nenio novit Patrem, nisi Filius, et cui voluerit Filius revelare[6].

C’est ce que l’Écriture nous marque, quand elle dit en tant d’endroits que ceux qui cherchent Dieu le trouvent. Ce n’est point de cette lumière qu’on parle, comme le jour en plein midi. On ne dit point que ceux qui cherchent le jour en plein midi, ou de l’eau dans la mer, en trouveront ; et ainsi il faut bien

  1. Le prouver par l’Écriture. — Cette pensée et la suivante fournissent quelques renseignements sur le plan rêvé par Pascal.
  2. Fausse supposition.
  3. On ne leur promet pas cela, mais une connaissance certaine, encore qu’elle soit d’évidence seulement médiate, et obtenue par voie de raisonnement.
  4. Ce n’est pas la seule.
  5. C’est justement ainsi qu’elle en parle, l’auteur se trompe.
  6. « Personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils l’aura voulu révéler. » (Matth., XL 27.) Ce texte est relatif au mystère de la Trinité, et ne va pas du tout à la question présente, qui est de la connaissance naturelle de Dieu, de son existence, de ses perfections.