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pensées de blaise pascal.
ARTICLE III.
La foi, la raison, les sens.

Usage de la raison dans la recherche de la vraie religion. Les difficultés. Les sophismes. Le vrai moyen de croire.

I. — Deux excès : exclure la raison, n’admettre que la raison[1].

II. — Soumission et usage de la raison, en quoi consiste le vrai christianisme. — Si on[2] soumet tout à la raison, notre religion n’aura rien de mystérieux ni de surnaturel. Si on choque les principes de la raison, notre religion sera absurde et ridicule.

III. Saint Augustin. La raison ne se soumettrait jamais, si elle ne jugeait qu’il y a des occasions où elle se doit soumettre[3]. Il est donc juste qu’elle se soumette, quand elle juge qu’elle se doit soumettre.

IV. — Ce sera une des confusions des damnés, de voir qu’ils seront condamnés par leur propre raison, par laquelle ils ont prétendu condamner la religion chrétienne.

V. — La dernière démarche de la raison, c’est de connaître qu’il y a une infinité de choses qui la surpassent. Elle n’est que faible, si elle ne va jusqu’à connaître cela. Que si les choses naturelles la surpassent, que dira-t-on des surnaturelles ?

VI. — Il n’y a rien de si conforme à la raison que ce désaveu de la raison[4].

VII. — L’autorité. — Tant s’en faut que d’avoir ouï dire une chose soit la règle de votre créance, que vous ne devez rien croire sans vous mettre en l’état comme si jamais vous ne l’aviez ouï. C’est le consentement de vous à vous-même, et la voix constante de votre raison, et non des autres, qui vous doit faire croire[5].

Le croire[6] est si important ! Cent contradictions seraient vraies[7]. Si l’antiquité était la règle de la créance : les anciens

  1. Cette courte pensée est excellente. Si Pascal l’avait toujours eue dans l’esprit !
  2. Ceux qui sont chargés d’enseigner et d’exposer la religion.
  3. Voir la lettre CXXe du grand Docteur d’Hippone ad Consentium. n° 3.
  4. S’il est raisonnable, et s’il est appliqué aux mystères, où la raison doit désavouer ses propres raisonnements, dès qu’ils contredisent à ce qu’elle s’est vue obligée de croire.
  5. Cependant le témoignage de Dieu et des hommes est nécessaire à la foi.
  6. La foi.
  7. Si l’Église n’établissait l’unité dans la vérité.