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préface.

une si grande diversité de pensées, dont il y en a même plusieurs qui semblent assez éloignées du sujet que Monsieur Pascal avait entrepris de traiter. Mais il faut considérer que son dessein était bien plus ample et plus étendu qu’on ne se l’imagine, et qu’il ne se bornait pas seulement à réfuter les raisonnements des athées et de ceux qui combattent quelques-unes des vérités de la foi chrétienne. Le grand amour et l’estime singulière qu’il avait pour la religion faisait que non seulement il ne pouvait souffrir qu’on la voulût détruire et anéantir tout à fait, mais même qu’on la blessât et qu’on la corrompît en la moindre chose. De sorte qu’il voulait déclarer la guerre à tous ceux qui en attaquent ou la vérité ou la sainteté ; c’est-à-dire non seulement aux athées, aux infidèles et aux hérétiques qui refusent de soumettre les fausses lumières de leur raison à la foi, et de reconnaître les vérités qu’elle nous enseigne ; mais même aux chrétiens et aux catholiques qui, étant dans le corps de la véritable Église, ne vivent pas néanmoins selon la pureté des maximes de l’Évangile qui nous y sont proposées comme le modèle sur lequel nous devons nous régler et conformer toutes nos actions.

Voilà quel était son dessein ; et ce dessein était assez vaste et assez grand pour pouvoir comprendre la plupart des choses qui sont répandues dans ce recueil. Il s’y en pourra néanmoins trouver quelques-unes qui n’y ont nul rapport, et qui en effet n’y étaient pas destinées, comme, par exemple, la plupart de celles qui sont dans le chapitre des Pensées diverses, lesquelles on a aussi trouvées parmi les papiers de Monsieur Pascal, et que l’on a jugé à propos de joindre aux autres ; parce que l’on ne donne pas ce livre- ci simplement comme un ouvrage fait contre les athées ou sur la religion, mais comme un recueil de Pensées de Monsieur Pascal sur la religion et sur quelques autres sujets.

Je pense qu’il ne reste plus, pour achever cette Préface, que de dire quelque chose de l’auteur après avoir parlé de son ouvrage. Je crois que non seulement cela sera assez à propos, mais que ce que j’ai dessein d’en écrire pourra même être très utile pour faire connaître comment Monsieur Pascal est entré dans l’estime et dans les sentiments qu’il avait pour la religion, qui lui firent concevoir le dessein d’entreprendre cet ouvrage[1].

L’on a déjà rapporté en abrégé, dans la préface des Traités de l’équilibre des liqueurs, et de la pesanteur de l’air, de quelle manière il a passé sa jeunesse, et le grand progrès qu’il y fit en

  1. Étienne Périer ne fait plus qu’analyser l’écrit de Gilberte sa mère, sur la vie de Pascal. Voir les notes que nous y avons mises.