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préface.

que cette première chute est la source, non seulement de tout ce qu’il y a de plus incompréhensible clans la nature de l’homme, mais aussi d’une infinité d’effets qui sont hors de lui, et dont la cause lui est inconnue[1]. Enfin il lui représente l’homme si bien dépeint dans tout ce livre, qu’il ne lui paraît plus différent de la première image qu’il lui en a tracée.

Ce n’est pas assez d’avoir fait connaître à cet homme son état plein de misère ; M. Pascal lui apprend encore qu’il trouvera dans ce même livre de quoi se consoler. Et en effet, il lui fait remarquer qu’il y est dit que le remède est entre les mains de Dieu ; que c’est à lui que nous devons recourir pour avoir les forces qui nous manquent ; qu’il se laissera fléchir, et qu’il enverra même un libérateur aux hommes, qui satisfera pour eux, et qui réparera leur impuissance.

Après qu’il lui a expliqué un grand nombre de remarques très particulières sur le livre de ce peuple, il lui fait encore considérer que c’est le seul qui ait parlé dignement de l’Être souverain, et qui ait donné l’idée d’une véritable religion. Il lui en fait concevoir les marques les plus sensibles qu’il applique à celles que ce livre a enseignées ; et il lui fait faire une attention particulière sur ce qu’elle fait consister l’essence de son culte dans l’amour du Dieu qu’elle adore ; ce qui est un caractère tout singulier, et qui la distingue visiblement de toutes les autres religions, dont la fausseté paraît par le défaut de cette marque si essentielle.

Quoique Monsieur Pascal, après avoir conduit si avant cet homme qu’il s’était proposé de persuader insensiblement, ne lui ait encore rien dit qui le puisse convaincre des vérités qu’il lui a fait découvrir, il l’a mis néanmoins dans la disposition de les recevoir avec plaisir, pourvu qu’on puisse lui faire voir qu’il doit s’y rendre, et de souhaiter même de tout son cœur qu’elles soient solides et bien fondées, puisqu’il y trouve de si grands avantages pour son repos et pour l’éclaircissement de ses doutes. C’est aussi l’état où devrait être tout homme raisonnable, s’il était une fois bien entré dans la suite de toutes les choses que M. Pascal vient de représenter : et il y a sujet de croire qu’après cela il se rendrait facilement à toutes les preuves qu’il apporta ensuite pour confirmer la certitude et l’évidence de toutes ces vérités importantes dont il avait parlé, et qui sont le fondement de la religion chrétienne, qu’il avait dessein de persuader.

Pour dire en peu de mots quelque chose de ces preuves, après qu’il eut montré en général que les vérités dont il s’agis-

  1. Exagération au sujet du péché originel. On en était coutumier dans le parti janséniste.