PHILOSOPHIE. 311
d’elles que je dis que l’esprit et le cœur sont comme les portes par où elles sont reçues dans l’âme; mais que bien peu entrent par l’esprit, au lieu qu’elles y sont introduites en foule par les caprices téméraires de la volonté, sans le conseil du raisonnement.
Ces puissances ont chacune leurs principes et les premiers moteurs de leurs actions.
Ceux de l’esprit sont des vérités naturelles et connues à tout le monde, comme que le tout est plus grand que sa partie, outre plusieurs axiomes particuliers que les uns reçoivent et non pas d’autres, mais qui dès qu’ils sont admis sont aussi puissants, quoique faux, pour emporter la créance, que les plus véritables.
Ceux de la volonté sont de certains désirs naturels et communs à tous les hommes, comme le désir d’être heureux, que personne ne peut pas ne pas avoir, outre plusieurs objets particuliers que chacun suit pour y arriver, et qui ayant la force de nous plaire sont aussi forts, quoique pernicieux en effet, pour faire agir la volonté, que s’ils faisaient son véritable bonheur.
Voilà pour ce qui regarde les puissances qui nous portent à consentir.
Mais pour les qualités des choses que nous devons persuader, elles sont bien diverses.
Les unes se tirent, par une conséquence nécessaire, des principes communs et des vérités avouées. Celles-là peuvent être infailliblement persuadées ; car en montrant le rapport qu’elles ont avec les principes accordés, il y a une nécessité inévitable de convaincre, et il est impossible qu’elles ne soient pas reçues dans l’âme dès qu’on a pu les enrôler [1] à ces vérités qu’elle a déjà admises.
Il y en a qui ont une union étroite avec les objets de notre satisfaction ; et celles-là sont encore reçues avec certitude [2] , car aussitôt qu’on fait apercevoir à l’âme qu’une chose peut la conduire à ce qu’elle aime souverainement, il est inévitable qu’elle ne s’y porte avec joie.
Mais celles qui ont cette liaison tout ensemble et avec les vérités avouées et avec les désirs du cœur, sont si sûres de leur effet, qu’il n’y a rien qui le soit davantage dans la nature : comme au contraire ce qui n’a de rapport ni à nos créances ni à nos plaisirs nous est importun, faux et absolument étranger.
En toutes ces rencontres il n’y a point à douter [3]. Mais il y en a où les choses qu’on veut faire croire sont bien établies sur