XX. — … Il n’est pas honteux à l’homme de succomber sous la douleur, et il lui est honteux de succomber sous le plaisir[1]. Ce qui ne vient pas de ce que la douleur nous vient d’ailleurs, et que nous recherchons le plaisir : car on peut rechercher la douleur et y succomber à dessein, sans ce genre de bassesse. D’où vient donc qu’il est glorieux à la raison de succomber sous l’effort de la douleur, et qu’il lui est honteux de succomber sous l’effort du plaisir ? C’est que ce n’est pas la douleur qui nous tente et nous attire. C’est nous-mêmes qui volontairement la choisissons et voulons la faire dominer sur nous ; de sorte que nous sommes maîtres de la chose, et en cela c’est l’homme qui succombe à soi-même ; mais dans le plaisir, c’est l’homme qui succombe au plaisir. Or, il n’y a que la maîtrise et l’empire qui fait la gloire, et que la servitude qui fait la honte.
XXI. — … Quand la force attaque la grimace[2], quand un simple soldat prend le bonnet carré d’un premier président, et le fait voler par la fenêtre[3].
XXII. — Combien de royaumes nous ignorent !
XXIII. — Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie.
XXIV. — Puissance des mouches. — Elles gagnent des batailles[4], empêchent notre âme d’agir, mangent notre corps.
XXV. — Les hommes sont si nécessairement fous, que ce serait être fou par un autre tour de folie, de ne pas être fou[5].
XXVI. — Le dernier acte[6] est sanglant ; quelque belle que soit la comédie en tout le reste. On jette enfin de la terre sur la tête, et en voilà pour jamais.
XXVII. — On n’est pas misérable sans sentiment : une maison ruinée ne l’est pas. Il n’y a que l’homme de misérable. Ego vir videns (Jérémie)[7].
- ↑ Cette phrase est précédée, dans le manuscrit, de quelques lignes inspirées par Montaigne (Essais, liv. III, ch. 5) ; M. Havet n’hésite pas à dire que l’objet en est obscène, ce qui n’est pas à l’honneur de la morale janséniste.
- ↑ Grimace est bien dur pour désigner les marques de l’autorité. Pascal donne la main à Montaigne et à Rousseau.
- ↑ Eh ! bien, qu’en résulte-t-il ? qu’est-ce que cela prouve ?
- ↑ Allusion à un récit de Montaigne.
- ↑ Spirituellement tournée, cette pensée n’en manque pas moins totalement de justesse.
- ↑ De la vie humaine.
- ↑ « Moi, l’homme voyant sa pauvreté. » (Lament., iii.)