d’un mal, qui est l’ignorance de ces imperfections. Nous ne devons pas être fâchés qu’ils les connaissent, et qu’ils nous méprisent, étant juste et qu’ils nous connaissent pour ce que nous sommes, et qu’ils nous méprisent, si nous sommes méprisables.
Voilà les sentiments qui naîtraient d’un cœur qui serait plein d’équité et de justice. Que devons-nous dire donc du nôtre, en y voyant une disposition toute contraire ? Car n’est-il pas vrai que nous haïssons la vérité et ceux qui nous la disent, et que nous aimons qu’ils se trompent à notre avantage, et que nous voulons être estimés d’eux autres que nous ne sommes en effet ?
En voici une preuve qui me fait horreur. La religion catholique n’oblige pas à découvrir ses péchés indifféremment à tout le monde : elle souffre qu’on demeure caché à tous les autres hommes ; mais elle en excepte un seul[1], à qui elle commande de découvrir le fond de son cœur, et de se faire voir tel qu’on est. Il n’y a que ce seul homme au monde qu’elle nous ordonne de désabuser, et elle l’oblige à un secret inviolable, qui fait que cette connaissance est dans lui comme si elle n’y était pas. Peut-on s’imaginer rien de plus charitable et de plus doux ? Et néanmoins la corruption de l’homme est telle, qu’il trouve encore de la dureté dans cette loi[2], et c’est une des principales raisons qui a fait révolter contre l’Église une grande partie de l’Europe.
Que le cœur de l’homme est injuste et déraisonnable, pour trouver mauvais qu’on l’oblige de faire à l’égard d’un homme ce qu’il serait juste, en quelque sorte, qu’il fît à l’égard de tous les hommes ! Car est-il juste que nous les trompions ?
Il y a différents degrés dans cette aversion pour la vérité : mais on peut dire qu’elle est dans tous en quelque degré, parce qu’elle est inséparable de l’amour-propre. C’est cette mauvaise délicatesse qui oblige ceux qui sont dans la nécessité de reprendre les autres, de choisir tant de détours et de tempéraments pour éviter de les choquer. Il faut qu’ils diminuent nos défauts, qu’ils fassent semblant de les excuser, qu’ils y mêlent des louanges et des témoignages d’affection et d’estime. Avec tout cela, cette médecine ne laisse pas d’être amère à l’amour-propre. Il en prend le moins qu’il peut et toujours avec dégoût, et souvent même avec un secret dépit contre ceux qui la lui présentent.
Il arrive de là que, si on a quelque intérêt d’être aimé de