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chapitre deuxième.

De là vient que les hommes aiment tant le bruit et le remuement ; de là vient que la prison est un supplice si horrible ; de là vient que le plaisir de la solitude est une chose incompréhensible. Et c’est enfin le plus grand sujet de félicité de la condition des rois, de ce qu’on essaye sans cesse à les divertir et à leur procurer toutes sortes de plaisirs.

Le roi est environné de gens qui ne pensent qu’à divertir le roi, et l’empêchent de penser à lui. Car il est malheureux, tout roi qu’il est, s’il y pense.

Voilà tout ce que les hommes ont pu inventer pour se rendre heureux. Et ceux qui font sur cela les philosophes et qui croient que le monde est bien peu raisonnable de passer tout le jour à courir après un lièvre qu’il ne voudrait pas avoir acheté, ne connaissent guère notre nature. Ce lièvre ne nous garantirait pas de la vue de la mort et des misères, mais la chasse nous en garantit. Et ainsi, quand on leur reproche que ce qu’ils cherchent avec tant d’ardeur ne saurait les satisfaire, s’ils répondaient, comme ils devraient le faire s’ils y pensaient bien, qu’ils ne cherchent en cela qu’une occupation violente et impétueuse qui les détourne de penser à soi[1], et que c’est pour cela qu’ils se proposent un objet attirant qui les charme et les attire avec ardeur, ils laisseraient leurs adversaires sans repartie[2]. Mais ils ne répondent pas cela, parce qu’ils ne se connaissent pas eux-mêmes[3] : ils ne savent pas que ce n’est que la chasse, et non la prise, qu’ils recherchent.

ii. — orgueil. egoïsme. hypocrisie.

I. — Raison des effets. — La concupiscence et la force sont la source de toutes nos actions ; la concupiscence fait les volontaires ; la force, les involontaires[4].

II. — Orgueil. — Curiosité n’est que vanité. Le plus souvent on ne veut savoir que pour en parler. Autrement on ne voyagerait pas sur la mer, pour ne jamais en rien dire et pour le seul plaisir de voir, sans espérance d’en jamais communiquer.

III. — Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous et en notre propre être : nous voulons vivre dans l’idée des autres d’une vie imaginaire, et nous nous efforçons pour cela de paraître. Nous travaillons incessamment à

  1. De la vue de la mort.
  2. En marge : « La danse. Il faut bien penser où l’on mettra ses pieds. » Et cela distrait, divertit.
  3. En marge : « Le gentilhomme croit sincèrement que la chasse est un plaisir grand et un plaisir royal ; mais son piqueur n’est pas de ce sentiment-là, » parce qu’il n’a pas les mêmes ennuis à tromper.
  4. Pascal oublie la raison et la liberté. Notre volonté ne vient pas de si bas qu’il le dit, et nous ne sommes pas tant les victimes de la force qu’il le suppose.