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Il nous eût même été fort agréable, nous n’hésitons pas à le dire, de supprimer bien des paragraphes et bien des phrases en opposition avec des principes, des dogmes, des institutions, que nous révérons et que nous aimons de toute notre âme. Mais les étudiants obligés, pour leurs examens, de lire et de commenter, sinon d’admirer les erreurs de Pascal, fussent demeurés dans la nécessité, dont nous voulions les affranchir, de recourir à certaines éditions fort peu chrétiennes, bien qu’à peu près officielles en France. Peut-être aussi, dans certaines régions, nous eût-on taxé de peur ou de déloyauté, à cause de ces suppressions. Nous avons donc préféré donner tout ce que donnent, des Pensées et des Opuscules, les éditions analogues à la nôtre. Nous espérons y avoir mis assez de correctifs ou de préservatifs, pour endiguer et maîtriser le jansénisme qui est souvent à l’état latent dans les pages les plus remarquables de Pascal, et qui parfois en déborde avec l’audace des Provinciales.

Ainsi, ce n’est pas seulement une nouvelle édition que nous avons voulu faire : c’est une nouvelle réfutation, sans phrases, des erreurs qui déparent l’un des plus beaux essais de la raison humaine et de l’apologétique chrétienne.

Il serait souverainement à regretter que la littérature catholique parût seulement négliger une œuvre aussi remarquable : mais il serait plus fâcheux encore qu’elle ne s’efforçât pas d’en neutraliser tous les mauvais effets possibles.

Car, on ne saurait s’y méprendre, ce génie de penseur et d’écrivain était malheureusement atteint d’une exaltation nerveuse, qui le poussait parfois jusqu’à la déraison en philosophie et jusque à l’hérésie en religion. Il voulait défendre le christianisme, mais dénaturé par le jansénisme. Il voulait en être l’apologiste contre le pape et les jésuites, autant que contre les païens et les impies. Il consentait à obéir au Vatican, mais sans abandonner Port-Royal ; et il n’admettait les décisions de l’Église Romaine que sous le contrôle des Arnauld, des Nicole et des Singlin. Or, l’Église a triomphé ; et le récent concile du Vatican a éclairé d’une lumière complète, définitive, les problèmes mal résolus par Pascal, touchant les forces et les droits de la raison, ou la puissance et le rôle du pape dans la chrétienté. Le jansénisme n’est plus qu’une ombre sur le ciel de la Hollande, qu’un grain de poussière sur la terre de France.

Le temps est venu de donner au travail de Pascal la conclusion qu’il lui eût peut-être refusée dix ans avant sa mort, mais qu’il lui eût donnée au jour oie il reçut le saint viatique, et qu’il lui donnerait certainement aujourd’hui, en s’inclinant avec amour devant l’infaillible autorité de l’Église.

Il ferait aujourd’hui l’apologie de la vraie foi, et non plus de