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sa propre définition, eux qui ne connaissent véritablement aucunes choses de la nature ! Il leur demande sur quels principes ils s'appuient; il les presse de les montrer. Il examine tous ceux qu'ils peuvent produire et y pénètre si avant, par le talent où il excelle, qu'il montre la vanité de tous ceux qui passent pour les plus naturels et les plus fermes. Il demande si l'âme connaît quelque chose; si elle se connaît elle-même; si elle est substance ou accident, corps ou esprit, ce que c'est que chacune de ces choses, et s'il n'y a rien qui ne soit de l'un de ces ordres, si elle connaît son propre corps; ce que c'est que matière; si elle peut discerner entre l'innombrable variété des corps, quand on en a produit; comment elle peut raisonner, si elle est matérielle; et comment peut-elle être unie à un corps particulier et en ressentir les passions, si elle est spirituelle; quand a-t-elle commencé d'être; avec le corps ou devant; si elle finit avec lui ou non; si elle ne se trompe jamais; si elle sait quand elle erre, vu que l'essence de la méprise consiste à ne le pas con naître; si dans ces obscurcissements elle ne croit pas aussi fermement que deux et trois font six qu'elle sait ensuite que c'est cinq; si les animaux raisonnent, pensent, parlent; et qui peut décider ce que c'est que le temps, ce que c'est que l'espace ou étendue, ce que c'est que le mouvement, ce que c'est que l'unité, qui sont toutes choses qui nous environnent et entièrement inexplicables; ce que c'est que la santé, maladie, mort, bien, mal, justice, péché dont nous parlons à toute heure; si nous avons en nous des principes du vrai et si ceux que nous croyons, et qu'on appelle axiomes ou notions communes, parce qu'elles sont communes dans tous les hommes, sont conformes à la vérité essentielle, et puisque nous ne savons que par la seule foi qu'un Être tout bon nous les a donnés véritables, en nous créant pour connaître la vérité qui saura sans cette lumière si, étant formés à l'aventure, ils ne sont pas incertains, ou si, étant formés par un être faux et méchant, il ne nous les a pas donnés faux afin de nous séduire, montrant par là que Dieu et le vrai sont inséparables, et que si l'un est ou n'est pas, s'il est incertain ou certain l'autre est nécessairement de même. Qui sait donc si le sens commun, que nous prenons pour juge du vrai, en a l'être de celui qui l'a créé? De plus, qui sait ce que c'est que vérité, et comment peut-on s'assurer de l'avoir sans la connaître? Qui sait même ce que c'est qu'être qu'il est impossible de définir, puisqu'il n'y a rien de plus général, et qu'il faudrait, pour l'expliquer, se servir d'abord de ce mot-là même, en disant: C'est, être...? Et puisque nous ne savons ce que c'est qu'âme, corps, temps, espace, mouvement, vérité bien ni même être, ni expliquer l'idée que nous nous en formons comment nous assurons-nous qu'elle est la même dans tous les hommes, vu que nous n'en avons d'autre marque que l'uniformité des conséquences, qui n'est pas toujours un signe de celle des principes? car ils peuvent bien être différents et conduire néanmoins aux mêmes conclusions chacun sachant que le vrai se conclut souvent du faux.

"Enfin il examine si profondément les sciences, et la géométrie, dont il montre l'incertitude dans les axiomes et dans les termes qu'elle ne définit point comme d'étendue, de mouvement, etc., et la physique en