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SUR LA CONVERSION DES PÉCHEURS

elle implore de sa miséricorde les moyens d’arriver à lui, de s’attacher à lui, d’y adhérer éternellement. . . . . . .

Ainsi elle reconnaît qu’elle doit adorer Dieu comme créature, lui rendre grâce comme redevable, lui satisfaire comme coupable, le prier comme indigente. . . . . . . . .


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EXTRAITS
DES LETTRES A MADEMOISELLE DE ROANNEZ[1].


1.

… Pour répondre à tous vos articles, et bien écrire malgré mon peu de temps.

Je suis ravi de ce que vous goutez le livre de M. de Laval[2] et les Méditations sur la grâce ; j’en tire de grandes conséquences pour ce que je souhaite.

Je mande le détail de cette condamnation qui vous avait effrayée[3] ; cela n’est rien du tout. Dieu merci, et c’est un miracle de ce qu’on n’y fait pas pis, puisque les ennemis de la vérité ont le pouvoir et la volonté de l’opprimer. Peut-être êtes-vous de celles qui méritent que Dieu ne l’abandonne pas, et ne la retire pas de la terre, qui s’en est rendue si indigne ; et il est assuré que vous servez l’Église par vos prières, si l’Église vous a servi par les siennes. Car c’est l’Église qui mérite, avec Jésus-Christ qui en est inséparable, la conversion de tous ceux qui ne sont pas dans la vérité ; et ce sont ensuite ces personnes converties qui secourent la mère qui les a délivrées. Je loue de tout mon cœur le petit zèle que j’ai reconnu dans votre lettre pour l’union avec le pape. Le corps est non plus vivant sans le chef, que le chef sans le corps. Quiconque se sépare de l’un ou de l’autre n’est plus du corps, et n’appartient plus à Jésus-Christ. Je ne sais s’il y a des personnes dans l’Église plus attachées à cette unité du corps que ceux que vous appelez nôtres. Nous savons que toutes les vertus, le martyre, les austérités et toutes les bonnes œuvres sont inutiles hors de l’Église, et de la communion du chef de l’Église, qui est le pape. Je ne me séparerai jamais de sa communion, au moins je prie Dieu de m’en faire la grâce ; sans quoi je serai perdu pour jamais.

Je vous fais une espèce de profession de foi, et je ne sais pourquoi ; mais je ne l’effacerai pas ni ne recommencerai pas.

  1. Cette sœur de M. de Roannez, née en 1633, entra d’abord à Port Royal, en fut tirée par lettre de cachet, mais après avoir prononcé le vœu de virginité, fut déliée de ce vœu après la mort de Pascal et la retraite du duc de Roannez, son frère, à l’Oratoire, épousa le duc de La Feuillade, et ne put trouver dans cet état ni le bonheur, ni la tranquillité de sa conscience. Elle mourut, après quinze ans de mariage, d’un cancer au sein.
  2. Pseudonyme sous lequel le duc de Luynes a écrit plusieurs ouvrages de piété.
  3. Probablement la condamnation d’Arnauld par la Sorbonne.