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qu’elle soit véritable dans le fond, elle a été si peu nette et si timide qu’elle ne paroît pas digne des vrais défenseurs de l’Eglise. Le fondement de cette manière de se défendre, a été de dire qu’il y a dans les expressions un fait et un droit ; et de promettre la croyance pour l’un, et le respect pour l’autre.

Il s’agit donc de savoir s’il y a un fait et un droit séparé, ou s’il n’y a qu’un droit ; c’est-à-dire, si le sens de Jansénius qui y est exprimé, ne fait autre chose que marquer Ie droit.

Le pape et les évêques sont d’un côté, et prétendent que c’est un point de droit et de foi, de dire que les cinq propositions sont hérétiques au sens de Jansénius ; et Alexandre VII a déclaré dans sa constitution, que pour être dans la véritable foi, il faut dire que les mots de sens de Jansénius ne font qu’exprimer le sens hérétique des propositions, et qu’ainsi c’est un fait qui emporte un droit, et qui constitue une portion essentielle de la profession de foi ; comme qui diroit, le sens de Calvin sur l’eucharistie est hérétique ; ce qui, certainement, est un point de foi. Et un très-petit nombre de personnes, qui font à toute heure de petits écrits volans, disent que le fait est de sa nature séparé du droit.

Il faut enfin remarquer que ces mots de fait et de droit ne se trouvent, ni dans le mandement, ni dans les constitutions, ni dans les formulaires, mais seulement dans quelques écrits qui n’ont nulle relation nécessaire avec cette signature ; et sur tout cela, examiner la signature que peuvent faire en conscience ceux qui croient être obligés en conscience de ne point condamner le sens de Jansénius.

Mon sentiment est, pour cela, que comme le sens de Jansénius a été exprimé dans le mandement, dans les bulles et dans les formulaires, il faut nécessairement l’exclure formellement par sa signature ; sans quoi on ne satisfait point à son devoir. Car de prétendre qu’il suffit de dire qu’on ne croit que ce qui est de la foi, pour en conclure qu’on a assez marqué par là qu’on ne condamne point le sens de Jansènius, par cette seule raison qu’on s’imagine qu’il y a en cela un fait qui est séparé du droit ; c’est une pure illusion : on en peut donner bien des preuves. Celle-ci suffit, que le fait et le droit étant des choses dont on ne parle en aucune manière en tout ce qu’on signe, ces deux mots n’ont nullement assez de relation l’un à l’autre, pour faire qu’il soit nécessaire que l’expression de l’un emporte l’exclusion de l’autre.

S’il étoit dit dans le mandement, ou dans les constitutions, ou dans les formulaires, qu’il faut non-seulement croire la foi, mais aussi le fait ; ou que le fait et le droit fussent proposés également à souscrire ; et qu’enfin ces deux mots de fait et de droit y fussent bien formellement marqués : on pourroit peut-être dire, qu’en mettant simplement que l’on se soumet au droit, on marque assez qu’on ne se soumet point au fait. — Mais comme ces deux mots ne se regardent que dans nos entretiens, et dans quelques écrits tout à fait séparés des constitutions, lesquels peuvent périr, et la signature subsister ; et qu’ils ne sont relatifs, ou opposès l’un à l’autre, ni dans la nature de la chose, où la foi n’est pas naturellement opposée au fait, mais à l’erreur, ni dans ce qu’on fait