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SUR LA CONVERSION DES PÉCHEURS.

les choses qui sont en elle, ni hors d’elle, ni devant elle (rien donc en elle, rien à ses côtés), elle commence de le chercher au-dessus d’elle.

Cette élévation est si éminente et si transcendante, qu’elle ne s’arrête pas au ciel (il n’a pas de quoi la satisfaire) ni au-dessus du ciel, ni aux anges, ni aux êtres les plus parfaits. Elle traverse toutes les créatures, et ne peut arrêter son cœur qu’elle ne se soit rendue jusqu’au trône de Dieu, dans lequel elle commence à trouver son repos et ce bien qui est tel qu’il n’y a rien de plus aimable, et qu’il ne peut lui être ôté que par son propre consentement. Car encore qu’elle ne sente pas ces charmes dont Dieu récompense l’habitude dans la piété, elle comprend néanmoins que les créatures ne peuvent être plus aimables que le Créateur, et sa raison aidée de la lumière de la grâce lui fait connaître qu’il n’y a rien de plus aimable que Dieu et qu’il ne peut être ôté qu’à ceux qui le rejettent, puisque c’est le posséder que de le désirer, et que le refuser c’est le perdre. Ainsi elle se réjouit d’avoir trouvé un bien qui ne peut lui être ravi tant qu’elle le désirera, et qui n’a rien au-dessus de soi.

Et dans ces réflexions nouvelles elle entre dans la vue des grandeurs de son Créateur, et dans des humiliations et des adorations profondes. Elle s’anéantit en conséquence et ne pouvant former d’elle-même une idée assez basse, ni en concevoir une assez relevée de ce bien souverain, elle fait de nouveaux efforts pour se rabaisser jusqu’aux derniers abîmes du néant, en considérant Dieu dans des immensités qu’elle multiplie sans cesse ; enfin dans cette conception, qui épuise ses forces, elle l’adore en silence, elle se considère comme sa vile et inutile créature, et par ses respects réitérés l’adore et le bénit, et voudrait à jamais le bénir et l’adorer. Ensuite elle reconnaît la grâce qu’il lui a faite de manifester son infinie majesté à un si chétif vermisseau ; et après une ferme résolution d’en être éternellement reconnaissante, elle entre en confusion d’avoir préféré tant de vanités à ce divin maître, et dans un esprit de componction et de pénitence, elle a recours à sa pitié, pour arrêter sa colère dont l’effet lui paraît épouvantable. Dans la vue de ces immensités…….

Elle fait d’ardentes prières à Dieu pour obtenir de sa miséricorde que comme il lui a plu de se découvrir à elle, il lui plaise la conduire et lui faire connaître les moyens d’y arriver. Car comme c’est à Dieu qu’elle aspire, elle aspire encore à n’y arriver que par des moyens qui viennent de Dieu même, parce qu’elle veut qu’il soit lui-même son chemin, son objet et sa dernière fin. Ensuite de ces prières, elle commence d’agir, et cherche entre ceux……..

Elle commence à connaître Dieu, et désire d’y arriver ; mais comme elle ignore les moyens d’y parvenir, si son désir est sincère et véritable, elle fait la même chose qu’une personne qui désirant arriver en quelque lieu, ayant perdu le chemin, et connaissant son égarement, aurait recours à ceux qui sauraient parfaitement ce chemin……..

Elle se résout de conformer à ses volontés le reste de sa vie ; mais comme sa faiblesse naturelle, avec l’habitude qu’elle a aux péchés où elle a vécu, l’ont réduite dans l’impuissance d’arriver à cette félicité,