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COMPARAISON DES CHRÉTIENS DES PREMIERS TEMPS

tagion du monde, prennent des sentimens tout opposés à ceux du monde. Elle prévient l’usage de la raison pour prévenir les vices où la raison corrompue les entraîneroit ; et avant que leur esprit puisse agir, elle les remplit de son esprit, afin qu’ils vivent dans une ignorance du monde et dans un état d’autant plus éloigné du vice qu’ils ne l’auront jamais connu. Cela paroit par les cérémonies du baptême ; car elle n’accorde le baptême aux enfans qu’après qu’ils ont déclaré, par la bouche des parrains, qu’ils le désirent, qu’ils croient, qu’ils renoncent au monde et à Satan. Et comme elle veut qu’ils conservent ces dispositions dans toute la suite de leur vie, elle leur commande expressément de les garder inviolablement, et ordonne, par un commandement indispensable, aux parrains d’instruire les enfans de toutes ces choses ; car elle ne souhaite pas que ceux qu’elle a nourris dans son sein soient aujourd’hui moins instruits et moins zélés que les adultes qu’elle admettoit autrefois au nombre des siens ; elle ne désire pas une moindre perfection dans ceux qu’elle nourrit que dans ceux qu’elle reçoit……..

Cependant on en use d’une façon si contraire à l’intention de l’Église qu’on n’y peut penser sans horreur. On ne fait quasi plus de réflexion sur un aussi grand bienfait, parce qu’on ne l’a jamais souhaité, parce qu’on ne l’a jamais demandé, parce qu’on ne se souvient pas même de l’avoir reçu………..

Mais comme il est évident que l’Église ne demande pas moins de zèle dans ceux qui ont été élevés domestiques de la foi que dans ceux qui aspirent à le devenir, il faut se mettre devant les yeux l’exemple des catéchumènes, considérer leur ardeur, leur dévotion, leur horreur pour le monde, leur généreux renoncement au monde ; et si on ne les jugeoit pas dignes de recevoir le baptême sans ces dispositions, ceux qui ne les trouvent pas en eux………..

Il faut donc qu’ils se soumettent à recevoir l’instruction qu’ils auroient eue s’ils commençoient à entrer dans la communion de l’Église ; il faut de plus qu’ils se soumettent a une pénitence continuelle, et qu’ils aient moins d’aversion pour l’austérité de leur mortification, qu’ils ne trouvent de charmes dans l’usage des délices empoisonnées du péché… Pour les disposer à s’instruire, il faut leur faire entendre la différence des coutumes qui ont été pratiquées dans l’Église suivant la diversité des temps…….

Qu’en l’Église naissante on enseignoit les catéchumènes, c’est-à-dire ceux qui prétendoient au baptême, avant que de le leur conférer ; et on ne les y admettoit qu’après une pleine instruction des mystères de la religion, qu’après une pénitence de leur vie passée, qu’après une grande connoissance de la grandeur et de l’excellence de la profession de la foi et des maximes chrétiennes ou ils désiroient entrer pour jamais, qu’après des marques éminentes d’une conversion véritable du cœur, et qu’après un extrême désir du baptême. Ces choses étant connues de toute l’Église, on leur conféroit le sacrement d’incorporation par lequel ils devenoient membres de l’Église : au lieu qu’en ces temps le baptême ayant été accordé aux enfans avant l’usage de la raison, par des considérations très-importantes, il arrive que la négligence des parens