Puisque vous êtes maintenant informés l’un et l’autre de notre malheur commun, et que la lettre que nous avions commencée vous a donné quelque consolation, par le récit des circonstances heureuses qui ont accompagné le sujet de notre affliction, je ne puis vous refuser celles qui me restent dans l’esprit, et que je prie Dieu de me donner, et de me renouveler de plusieurs que nous avons autrefois reçues de sa grâce, et qui nous ont été nouvellement données de nos amis en cette occasion.
Je ne sais plus par où finissoit la première lettre. Ma sœur l’a envoyée sans prendre garde qu’elle n’étoit pas finie. Il me semble seulement qu’elle contenoit en substance quelques particularités de la conduite de Dieu sur la vie et sur la maladie, que je voudrois vous répéter ici, tant je les ai gravées dans le cœur, et tant elles portent de consolation solide, si vous ne les pouviez voir vous-mêmes dans la précédente lettre, et si ma sœur ne devoit pas vous en faire un récit plus exact à sa première commodité. Je ne vous parlerai donc ici que de la conséquence que j’en tire, qui est, qu’ôtés ceux qui sont intéressés’par les sentiment de la nature. il n’y a point de chrétien qui ne s’en doive réjouir.
Sur ce grand fondement, je vous commencerai ce que j’ai à dire par un discours bien consolatif à ceux qui ont assez de liberté d’esprit pour le concevoir au fort de la douleur. C’est que nous devons chercher la consolation à nos maux, non pas dans nous-mêmes, non pas dans les hommes, non pas dans tout ce qui est créé ; mais dans Dieu. Et la raison en est que toutes les créatures ne sont pas la première cause des accidens que nous appelons maux ; mais que la providence de Dieu en étant l’unique et véritable cause, l’arbitre et la souveraine, il est indubitable qu’il faut recourir directement à la source et remonter jusqu’à l’origine pour trouver un solide allégement. Que si nous suivons ce précepte, et que nous envisagions cet événement, non pas comme un effet du hasard, non pas comme une nécessité fatale de la nature, non pas comme le jouet des élémens et des parties qui composent l’homme (car Dieu n’a pas abandonné ses élus au caprice et au hasard), mais comme une suite indispensable, inévitable, juste, sainte, utile au bien de l’Église et à l’exaltation du nom et de la grandeur de Dieu, d’un arrêt de sa providence conçu de toute éternité pour être exécuté dans la plénitude de son temps, en telle année, en tel jour, en telle heure, en tel lieu, en telle manière ; et enfin que tout ce qui est arrivé a été de tout temps présu et préordonné de Dieu : si, dis-je, par un transport de grâce, nous considérons cet accident, non pas dans lui-même et hors de Dieu, mais
- ↑ Pascal le père était mort le 24 septembre 1651.