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huit députés qui ont été nommés, furent priés de le voir et de le faire imprimer pour être distribué partout où il seroit à propos.

Deux jours après cette assemblée le roi manda les curés de Saint-Paul et de Saint-Roch, qui, étant arrivés au Louvre, furent conduits dans la chambre de M. le cardinal, où étoit le roi avec Son Éminence, M. le chancelier, M. Servien, M. le procureur général et M. de Brienne. Le roi dit aux curés qu’il les avoit mandés sur le sujet que M. le chanceliez leur diroit. M. le chancelier dit que le roi vouloit être informé de ce qui s’étoit passé dans leur assemblée du lundi dernier. Les curés répondirent que sur le rapport fait par les syndics qu’un livre abominable commençoit à paroître, qui alloit à la destruction de toute la morale chrétienne et de la sûreté publique, ils avoient résolu d’en poursuivre la condamnation, et signé pour cela deux requêtes, l’une à MM. les vicaires généraux, et l’autre au parlement.

M. le cardinal demanda pourquoi on avoit en recours au parlement. Que si M. l’archevêque étoit présent, les curés auroient eu recours à lui ; qu’ainsi, en son absence, ils devoient se contenter de recourir à ses vicaires généraux.

Les curés répondirent que, comme l’Apologie n’alloit pas seulement contre les principes de la religion chrétienne, mais encore contre les lois civiles par les permissions qu’elle donne de voler et de tuer, ce livre devoit être condamné non-seulement par les juges ecclésiastiques, mais encore par les séculiers ; outre qu’étant rempli de calomnies et d’injures contre les personnes des curés, pour détourner les peuples de la croyance qu’ils devoient avoir en eux, ils étoient obligés, par le devoir de leurs charges, d’en poursuivre l’imprimeur et l’auteur, pour leur faire faire réparation de ce scandale, dont MM. les vicaires généraux ni la Faculté de théologie ne pouvant connoître, ils avoient été conseillés de présenter leur requête au parlement.

M. le cardinal repartit que tant pour l’information que pour la réparation d’honneur, les curés pouvoient s’adresser a l’official. Les curés répondirent qu’ils n’avoient osé s’adresser à M. l’official, et que la raison qui les avoit retenus était, qu’ayant un peu auparavant un sujet pareil de se plaindre du P. Bagot, jésuite, qui les avoit traités dans un livre d’une manière aussi outrageuse, ils s’étoient adressés à M. l’official pour en avoir justice : mais nonobstant que le P. Bagot eût mis procureur, et qu’il y eût trois appointemens donnés à l’audience avec lui, il ne laissa pas de se pourvoir au conseil, et y obtint un arrêt sur requête au rapport de M. Balthasar, frère du P. Balthasar, jésuite, en date du troisième jour d’août 1657, signifié aux syndics, par lequel le P. Bagot avoit été déchargé de l’assignation, et défense faite aux curés de plus user de telles voies, et à l’official d’en connoître, à peine de nullité des procédures, de cassation des sentences, et de tous dépens, dommages et intérêts ; et que c’est ce qui les avoit retenus de s’adresser à M. l’official, par la crainte d’un semblable arrêt, qu’il seroit aussi facile d’obtenir que le premier sans appeler les curés, et en faveur d’un auteur qu’ils savent assurément être le P. Pirot, jésuite, et sur le sujet, d’un livre dont les jésuites en corps se rendent les défenseurs.