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TROISIÈME ET QUATRIÈME FACTUM

extérieures, ou ce qui ne regarde que la police, il dit que les premières ont dû être déterminées dans la loi nouvelle, parce qu’elles sont de nécessité de salut ; mais que les dernières, qui sont les cérémonies et les règlemens de police. ont été laissées à la liberté des hommes pour être réglées par les supérieurs ou par la volonté de chaque particulier, quand les supérieurs ne les avoient point réglées : « Determinatio exteriorum operum in ordine ad cultum Dei, pertinet ad prœcepta cæremonialia legis ; in ordine vero ad proximum, ad judicialia : ut supra dictum est. Et ideo quia istæ determinationes non sunt secundum se de neccessitate interioris gratiæ in qua lex consistit, idcirco non cadunt sub præcepto novae legis, sed relinquuntur humano arbitrio ; quædam quidem quantum ad subditos, quæ scilicet pertinent sigillatim ad unumquemque ; quædam vero ad prælatos temporales vel spirituales. » C’est donc une falsification insigne aux jésuites d’appliquer aux préceptes moraux ce que saint Thomas ne dit que des préceptes cérémoniaux et judiciaires, en tant qu’ils sont distingués des moraux. Ce qui paroît encore plus clairement par ces paroles qu’il ajoute immédiatement après : « Ainsi donc la loi nouvelle n’a dû déterminer aucunes autres œuvres extérieures, en les commandant ou les défendant, sinon les sacremens et les préceptes moraux qui appartiennent par eux-mêmes à la vertu, comme de ne point tuer, de ne point dérober, et autres semblables : « Sic igitur lex nova nulla alia exterîora opera determinare zdebuit praecipienda, vel prohibendo, nisi sacramenta et moralia praecz cepta, quae de se pertinent ad rationeiu virtutis, puta non esse occidendum, non esse furanduiu, aut alia ejusmodi. » Ainsi on voit qu’au même lieu où saint Thomas dit que le précepte de ne point tuer n’est point du nombre de ceux qui ont été laissés au libre arbitre des hommes, mais qu’il a dû être déterminé dans la loi nouvelle, les jésuites lui font dire : « Qu’il n’est point déterminé par la loi nouvelle, mais qu’il a été laissé au libre arbitre des hommes : « Non cadunt sub praecepto novœ legis, sed relicta sunt libero arbitrio. »

La seconde falsification est, qu’ils veulent faire croire que saint Thomas, en disant que Jésus-Christ n’a point ajouté de nouveaux préceptes moraux à ceux de l’ancienne loi, a voulu dire par là qu’il n’a point expliqué, déterminé et montré l’étendue de ces préceptes, et qu’ainsi il n’a point donné de lumière pour décider les cas qui regardent ces préceptes nouveaux, mais a remis le tout à la raison. Ce qui est entièrement contraire à la doctrine de saint Thomas dans toute cette question : car, outre que nous venons de voir que saint Thomas dit expressément que les préceptes moraux ont été déterminés dans la loi nouvelle, il fait encore un article exprès pour montrer que la loi nouvelle a accompli et perfectionné l’ancienne, où il dit, entre autres choses : « que Jésus-Christ, par sa doctrine, a accompli les préceptes de la loi, premièrement, en marquant le vrai sens auquel ils doivent être entendus, comme il paroit en celui de l'homicide et de l’adultère : « Sua autem doctrina adimplevit praecepta legis tripliciter : primo qui dem verum intellectum legis exprimendo, sicut patet in homicidio et adulterio. » Secondement, en ordonnant ce qui servoit à observer avec plus de sévérité ce