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POUR LES CURÉS DE PARIS.


voir ce qu'on donne. Car on ne peut pas entendre autrement ce qu’il dit des mauvais juges et des faux témoins : « Cum judicia et testimonia, quae nec justa nec vera vendenda sunt, iniqua et falsa venduntur, a multo sceleratius utique pecunia sumitur ; quia scelerate etiam quamvis a volentibus datur. » Non plus que ce qu’il dit des huissiers, à qui la coutume permettoit de prendre des deux parties : « Magis reprehendimus qui talia inusitate repetiverunt, quam qui ea de more sumpserunt. » Pourquoi ne se prendra-t-il pas de même, lorsqu’il dit au même endroit : « Non sane quidquid ab invito sumitur ? » Et pourquoi vouloir qu’il signifie là surripitur, ce qui y est opposé, selon Cicéron, et tout à fait contraire au sens que saint Augustin donne à ce terme toutes les autres fois qu’il s’en sert dans ce même lieu ?

Enfin, une preuve démonstrative que ce passage de saint Augustin ne peut s’entendre au sens que les jésuites le prennent, pour autoriser les vols domestiques, sous prétexte de compensation de gages, c’est que ce Père a décidé ce même cas dans une espèce incomparablement plus favorable, en condamnant de larcin les Israélites qui emportèrent les richesses des Égyptiens, si Dieu ne leur en eût donné une permission expresse ; encore qu’il reconnoisse au même lieu que ce bien étoit dû aux Israélites pour les récompenser de leurs travaux. C’est dans le XXIIe livre Contre Fausle (chap. LXXI et LXXII) , où, ayant soutenu d’abord que Moïse n‘avoit pas péché « en dépouillant les Egyptiens, parce que Dieu le lui avoit commandé, et qu’il eût péché au contraire en n’obéissant pas à Dieu, » il montre ensuite, contre les manichéens, que Dieu n’avoit rien fait de contraire à sa bonté, en faisant ce commandement à Moïse ; parce que les Égyptiens méritoient de perdre ces biens dont ils abusoient pour honorer les démons, et que d‘ailleurs ils en devoient davantage aux Hébreux, pour les récompenser de leurs travaux : « Quid absurdum , dit-il , si Egyptii ab Hebraeis, homines inique dominantes ab hominibus liberis, quorum etiam mercedis pro eorun, tam duris et injustis laboribus fuerant debitores, rebus terrenis quibus etiam ritu sacrilego in injuriam Creatoris utebantur, privari debuerum ? » Mais il ajoute aussitôt après (ce qui condamne entièrement la doctrine des jésuites), que si Moise avoit fait ce commandement de lui-même, ou, que les Hébreux d’eux-mêmes, sans en avoir recu le commandement de Dieu, eussent dépouillé les Egyptiens, ils eussent sans doute été coupables : « Quod tamen si Moyses sua sponte fecisset, aut hoc Hehrœi sua sponte fecissent, profectd peccassent. »


IX. Le même saint Augustin faussement allégué dans la Lettre LIV, sur le sujet de la corruption des juges.


Il ne sera pas inutile de joindre ici une autre falsification de la même lettre à Macédonius, dont l’apologiste abuse encore pour autoriser les corruptions des juges. C’est en la page 97 où il entreprend de soutenir les relâchemens des casuistes touchant les juges, qu’il propose lui-même en ces termes : « Les casuistes soutiennent que les juges peuvent recevoir des présens, à moins qu’il n’y eût quelque loi particulière qui le