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TROISIÈME ET QUATRIÈME FACTUM


S’ils avoient bien étudié celle de Gerson, ils auroient appris de lui la foiblesse d’un argument qu’ils font beaucoup valoir dans leurs réponses, qui est qu’il y a des parlemens où les prêts usuraires sont autorisés pour le civil ; car Gerson montre fort bien qu’il ne s’ensuit pas de là qu’ils soient permis selon Dieu, parce que les lois civiles et les magistrats permettent beaucoup de choses qui ne laissent pas d’être illégitimes selon la loi de Dieu ou de l’Église, sans que l’on puisse dire pour cela que ces lois civiles soient mauvaises et contraires à la loi de Dieu ou de l’Église.

C‘est la proposition XII de ce même Traité des contrats. « Encore, dit-il, qu’une loi civile tolérât quelques usures, on ne doit pas dire pour cela qu’elle est contraire à la loi de Dieu ou de l’Église ; car le législateur civil a pour but de conserver la république en y entretenant la paix et l’union entre les citoyens, et empêchant qu’on n’y commette des voleries, des rapines, des homicides, et autres crimes qui troublent la société humaine.... Mais, parce que la malice des hommes ne peut pas toujours être entièrement réprimée, il tolère quelquefois de moindres maux pour en éviter de plus grands, comme Moise a fait dans l’ancienne loi, en permettant le divorce. »

Aussi nous voyons que les Pères n’ont pas laissé de condamner les usures, quoiqu’il soit certain que, de leur temps, les lois civiles les permettoient. Ce qui fit dire à saint Augustin sur ces paroles du psaume LIV : « In plateis ejus usure et dolus : foenus etiam professionem a habet : fœnus etiam ars vocatur, corpus dicitur. corpus quasi necessarium civitati, et de professione sua vectigal impendit ; usque adeo in platea est, quod saltem abscondendum erat. »


VII. Saint Ambroise faussement allégué sur le sujet des valets qui prennent du bien de leurs maitres pour égaler leurs gages à leurs peines.


Nous avons de la peine à comprendre la hardiesse de cet apologiste, qui ose dire dans ses nouvelles feuilles, qu’on a malicieusement imposé au P. Banny, en prenant son objection pour sa réponse, lorsqu’on lui a reproché, comme nous avons fait dans nos Extraits présentés à l’assemblée générale du clergé (prop. XXI), qu’il ouvre la porte aux vols domestiques, en permettant « aux valets qui se plaignent de leurs gages, de les croître d’eux-mêmes en certaines rencontres (comme est celle de ne les avoir acceptés, qu’y étant contraints par la nécessité de leurs affaires), en se garnissant les mains d’autant de bien appartenant à leurs maîtres, qu’ils s’imaginent être nécessaire pour égaler lesdits gages à leurs peines. Il ne faut que lire le passage entier du P. Bauny , que nous avons rapporté dans cet extrait, pour rougir du peu de conscience de ces personnes, qui ne se mettent pas en peine du jugement de Dieu ; pourvu qu’ils puissent embrouiller, au moins pour quelque temps, les jugements des hommes, en niant les choses les plus constantes.

Il y a encore plus de sujet de s'étonner de ce qu'au même temps qu’ils témoignent être prêts de se soumettre au jugement de la faculté