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POUR LES CURÉS DE PARIS.


son avec faculté de la racheter dans l’année. Or, il est bien certain que cette faculté de racheter ne convenoit qu’à celui qui l’avait vendue ; et il seroit ridicule de s’imaginer que l’acheteur eût droit par là de l’obliger à lui rendre son argent en reprenant sa maison.

3° Après avoir établi, dans la première partie de ce traité, les principes nécessaires pour résoudre le cas qu’il avait entrepris d‘examiner, il propose ce cas au commencement de la seconde partie, qui est : « qu’un monastère avoit acheté d’une ville une rente annuelle de cent livres en lui donnant deux mille livres cum facultate redimendi. » Voilà le contrat qu’il a dessein de justifier, et pour lequel il a fait tout ce traité De contractibus. Or, pour montrer évidemment qu’il n’a considéré cette rente que comme elles sont aujourd’hui, c’est-à-dire, rachetables seulement du côté de celui qui prend à rente, c’est qu’il met pour la principale circonstance, qui fait voir que ce contrat n’est point usuraire, que la vente avoit été tellement effective de la part des religieux qu'ils ne s’étoient réservé aucune faculté de ravoir l’argent qu’ils avoient donné : « Quarta circumstantia est, quod venditio tam efficax fuit ex parte religiosorum. tam in voluntate quam in opere translationis, a quod nullam sibi retinuerint facultatem retrahendi pretium datum. » Il est donc très-faux que Gerson parle des contrats où l’on retient le pouvoir de retirer son argent au bout d’un an ; car il l’exclut en termes exprès.

4° Enfin il a été si éloigné d’approuver ce pouvoir de retirer l’argent avec intérêt, que c’est principalement sur cette quatrième circonstance qu’il établit sa décision ; savoir, que ce contrat n’est point usuraire, parce que ce n’est point un prêt, ni un contrat qui tienne de la nature du prêt, puisque ces religieux ne s‘étoient point réservé le pouvoir de retirer leur argent : « Prœdictus contractus non est mutunm, nec per modum mutui. Patet ex quarta circumstantia principaliter junctis a liis.» D’où il s’ensuit que Gerson auroit condamné d’usure le contrat des jésuites, où celui qui donne son argent se réserve le pouvoir de le retirer, et ne laisse pas d’en prendre intérêt.

Il est visible, par ces preuves convaincantes, que les jésuites abusent malicieusement d’une parole ambiguë de Gerson, pour lui faire approuver une chose dont il ne parle en aucune manière dans tout son traité, et qui est contraire à tous ses principes. Car le passage qu’ils rapportent est dans la proposition XX, où il parle toujours, comme dans tout le reste de son traité, de la faculté de racheter qu’a celui qui prend l’argent à rente, de laquelle seule il s’agissoit alors. Et ainsi de ce qu’il appelle cette faculté de racheter, facultas mutua, redimendi, c’est qu’auparavant il étoit bien au pouvoir du vendeur de racheter sa rente, pourvu que l’acheteur consentît à recevoir le rachat : au lieu que, par cette loi dont parle Gerson, on lui donnoit pouvoir, non-seulement de racheter, mais aussi de faire accepter son rachat, ce qu’il appelle, facultas mutuu redimendi. C’est une chose honteuse à des théologiens, qui ne doivent rien tant aimer que la sincérité, de chicaner sur un mot ambigu, au lieu de prendre le sens d’un auteur de toute la suite de sa doctrine.