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TROISIÈME ET QUATRIÈME FACTUM


se donner gratuitement et acquérir gratuitement, c’est-à-dire sans rien recevoir pour les donner, ni rien donner pour obtenir, c’étoit violer cet ordre et tomber dans le péché de simonie, que de donner des choses spirituelles, ayant pour motif principal d’obtenir ou d’avoir obtenu quelque chose temporelle, soit service, soit louange, soit argent ; ou bien de donner une chose temporelle, ayant pour motif principal d’en obtenir une spirituelle. De sorte que toutes les fois qu’il dit de ceux qui font ces sortes d’échanges, qu’ils vendent, qu’ils achètent et qu’ils donnent comme prix, il n’a voulu dire autre chose par ces mots, sinon qu’ils donnent l’un pour avoir l’autre.

Que si l’on prétend chicaner, et dire que la vente, dans son essence, enferme un pacte obligatoire et onéreux, il est facile de répondre que le langage ecclésiastique ne se règle pas sur les formules des jurisconsultes ; et que saint Thomas , qui s’est servi de ces mots après les Pères, nous ayant expliqué ce qu’il vouloit dire par ces mots, il faut en prendre la signification, non des jurisconsultes, mais de saint Thomas et des Pères de l’Église ; et conclure plutôt que la simonie n’est pas une vente selon la rigueur de ce terme, que non pas de ne point enfermer sous le nom de simonie tout ce que les Pères y ont enfermé.


V. Gerson faussement allégué sur le même sujet de la simonie.


L’apologiste joint Gerson à saint Thomas, et lui impose, aussi bien qu’à ce saint, de ne point avoir reconnu de simonie de droit divin, que lorsqu’on met une égalité de prix entre une chose temporelle et une spirituelle. Il cite pour cela ces paroles de Gerson, qui semblent dire ce qu’il désire : « Finis principaliter intentus accipiendi temporalia tanquam ibi sit adæquatio vera pretii ad pretium, sicut est in commutatione temporalium ad invicem, reddit hominem proprie simonia-cum. »

A la vérité, ceux qui ne se défient pas des jésuites auront pu être surpris de la lecture de ces paroles, et croire que Gerson est en effet favorable à l’apologiste : mais ceux qui, connoissant les jésuites, ont pris la peine de consulter ce passage, ont sans doute été surpris de la hardiesse et de l’impudence avec laquelle ils s'exposent à être convaincus publiquement d’une imposture si inexcusable ; car il n’y en eut jamais de moins paliée que celle-ci. Gerson, dans son Traité de la simonie, en marque deux espèces différentes en deux propositions différentes : la première est celle dans laquelle on considère seulement le bien temporel, comme le motif principal de l'action spirituelle ; et la seconde, dans laquelle on le considère de plus comme un prix égal à la chose spirituelle. « Prima propositio, dit-il : Finis principaliter intentus récipiendi temporalia pro ministratione spiritualium, reddit hominem proprie simoniacum in foro conscientiæ : et ad Deum. Et si hanc intentionem apertis ad extra monstret indiciis, censendus est in ecclesiastico foro simoniacus, vel de simonia vehementer suspectus. Secunda propositio : Finis principaliter intentus accipiendi temporalia pro administratione spiritualium, tanquam ibi sit adaeæquatio vera pretii