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POUR LES CURÉS DE PARIS.


quest. XIV, p. 94). Il distingue premièrement les occasions de pécher en prochaines et éloignées ; et il dit « que les éloignées sont tout ce qui peut être à l’homme cause de péché ; mais que les occasions prochaines sont seulement ce qui est en soi péché mortel, ou ce qui est tel de sa nature, qu’il fasse fréquemment tomber dans le péché mortel les hommes de pareille condition : de sorte que le confesseur juge par le passé que le pénitent ne sera jamais, ou rarement, dans cette occasion sans péché mortel. » Il enseigne ensuite dans cet endroit, et dans la Somme des péchés (6e édit., p. 190), deux choses : l’une, « que l’on n’est point obligé de quitter une occasion prochaine de péché, quand on ne peut le faire sans donner sujet au monde de parler, ou sans en recevoir de l’incommodité : l’autre, « qu’on peut même rechercher une occasion prochaine de péché pour quelque bien temporel ou spirituel de nous ou de notre prochain. » Il en apporte deux exemples : l’un, « que tous peuvent aller au pays des infidèles pour travailler à leur conversion, « cum manifesto peocandi periculo » ; l’autre, « qu’on peut aller en de mauvais lieux pour faire concevoir aux femmes débauchées la haine de leurs péchés ; encore qu’il y ait beaucoup d’apparence que ces personnes tomberont. parce qu’ils ont souvent éprouvé, à la perte et à la ruine de leurs âmes, qu’ils se laissent aller au péché par les cajoleries des femmes perdues. »

Et c’est pour confirmer ces horribles maximes qu’il cite saint Thomas (2-2, quæst. X . art. 9), où il a dit ce que nous avons rapporté. Et le P. Caussin, dans sa Réponse à la Théologie morale, renvoie au même lieu pour défendre la même doctrine des occasions prochaines : par où on peut juger s’il y eut jamais de fausseté plus insigne que celle que ces pères emploient pour défendre leur méchante cause.


II. Saint Basile faussement allégué sur le même sujet.


Les jésuites attribuent encore dans cette même page leur méchante doctrine des occasions prochaines à saint Basile, en le citant après le P. Caussin (Const. monac. cap. IV), où il n’y a pas un seul mot de ce sujet. C’est dans le chapitre III où se trouve ce qu’en rapporte le P. Caussin, mais qui est une condamnation formelle de la doctrine de ces casuistes, n’y ayant rien de si pur et de si contraire au relâchement de ces nouveaux docteurs, que ce que ce père enseigne en ce lieu.

Car voici les conseils qu’il donne à ses religieux : « Nous ne devons pas seulement travailler à régler nos pensées et nos mouvemens intérieurs, mais nous devons aussi, autant qu’il se peut nous éloigner des choses qui, frappant nos sens et renouvelant la mémoire de nos passions, causent du trouble dans notre esprit, et font souffrir à notre âme une guerre et un combat importun. Car, lorsque nous sommes engagés dans le combat contre notre volonté, c’est une nécessité de le souffrir ; mais c’est une grande folie de nous y engager nous-mêmes volontairement. C’est pourquoi nous devons fuir, avant toutes choses, l’entretien des femmes, et nous ne devons jamais nous trouver avec elles que lorsqu’une nécessité indispensable nous y force ; et alors même il faut s’en garder comme