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SECOND FACTUM


en paix, quand ils sont demeurés en possession de leurs injustes prétentions !

Nous avons cru à propos de réfuter un peu au long ce reproche qu’ils font tant valoir contre nous, parce qu’encore qu’il y ait peu de personnes à qui ils puissent persuader que les casuistes sont de saints auteurs, il peut néanmoins s’en rencontrer à qui ils fassent accroire que nous ne laissons pas d’avoir tort de troubler la paix par notre opposition ; et c’est pour ceux-là que nous avons fait ce discours, afin de leur faire entendre qu’il n’y a pas deux questions à faire sur ce sujet, mais une seule ; et qu’il est impossible qu’il soit vrai tout ensemble que la morale des casuistes soit abominable, et que nous soyons blâmables de troubler leur fausse paix en la combattant.

Nous n’abandonnerons donc jamais la morale chrétienne, nous aimons trop la vérité. Mais, pour leur témoigner aussi combien nous aimons la paix, nous leur en ouvrons la porte tout entière, et leur déclarons que nous les embrasserons de tout notre cœur, aussitôt qu’ils voudront abjurer les pernicieuses maximes de leur morale, que nous avons rapportées dans notre Factum et dans nos Extraits, après les avoir prises et lues nous-mêmes dans leurs auteurs en propres termes ; et qu’ils voudront renoncer sincèrement à la pernicieuse Apologie des casuistes, et à la méchante Théologie d’Escobar, de Molina, de Sanchez, de Lessius, de Hurtado, de Banny, de Lamy, de Mascharenas, et de tous les livres semblables que nosseigneurs les évêques appellent la peste des consciences. Voilà de quoi il s’agit entre nous. Car il n’est pas ici question, comme ils tâchent malicieusement de le faire croire, des différends que les curés peuvent avoir avec les religieux. Il n’est point ici question de contester les privilèges des jésuites, ni de s’opposer aux usurpations continuelles qu’ils font sur l’autorité des curés. Quoique leurs livres fussent remplis de mauvaises maximes sur ce sujet, nous les avons dissimulées à dessein dans les Extraits que nous avons présentés à l’assemblée du clergé, pour ne rien mêler dans la cause générale de l’Église qui nous regardât en particulier. Il ne s’agit donc ici que de la pureté de la morale chrétienne, que nous sommes résolus de ne pas laisser corrompre ; et nous ne sommes pas seuls dans ce dessein : voilà les curés de Rouen qui, par l’autorité de M. leur prélat, nous secondent avec un zèle chrétien et véritablement pastoral ; et nous avons en main quantité de procurations des curés des autres villes de France, qui, par la permission aussi de nosseigneurs leurs prélats, s'opposeront avec vigueur à ces nouvelles corruptions, jusqu’à ce que ceux qui les soutiennent y aient renoncé.

Jusque-là nous les poursuivrons toujours, quoi qu’ils puissent dire de nous en bien ou en mal ; et nous ne renoncerons point aux vérités que nous avons avancées dans notre Factum pour acheter à ce prix les louanges qu’ils nous donneroient alors. « Nous ne serons point détournés, ni par leurs malédictions, ni par leurs bénédictions, » selon la parole de l’Écriture. Ils ne nous ont point intimidés comme ennemis, ils ne nous corrompront point comme flatteurs. Ils nous ont trouvés intrépides à leurs menaces, ils nous trouveront inflexibles à leurs ca-